La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 5 juillet 2012, précise les modalités d’information du consommateur en ligne. Le litige oppose un prestataire de services numériques à un organisme de défense des intérêts des consommateurs au sujet de la vente d’abonnements. Les utilisateurs s’inscrivent sur un site de téléchargement en déclarant accepter les conditions générales de vente et renoncer à leur droit de rétractation. Les informations obligatoires sont accessibles par un lien hypertexte situé sur la page d’inscription sans être directement affichées lors de la commande. Après la conclusion du contrat, l’entreprise adresse un courriel de confirmation contenant un renvoi vers une adresse internet pour consulter les renseignements. L’association requérante conteste la validité de cette pratique devant le tribunal de commerce de Vienne qui fait droit à ses demandes d’interdiction. L’entreprise interjette appel devant la Cour supérieure régionale de Vienne qui décide de saisir la juridiction européenne d’une question préjudicielle sur l’interprétation. Le juge doit déterminer si la communication d’un lien hypertexte vers un site internet permet de satisfaire à l’obligation de support durable. La Cour répond que cette pratique ne garantit pas la réception des informations et ne constitue pas un support suffisamment stable et personnel. L’analyse portera sur l’exigence d’une réception effective des informations contractuelles avant d’étudier la définition fonctionnelle du support durable retenue par l’arrêt.
I. L’obligation de réception effective des informations contractuelles
A. La nécessité d’un comportement passif du destinataire
La Cour analyse les termes de la directive pour définir les modalités de communication des informations essentielles au consommateur lors du contrat. Elle relève que les expressions employées renvoient à une procédure de transmission dont le destinataire n’a pas à initier le mécanisme technique. Selon les juges, « un comportement passif de ces consommateurs suffit » car la protection accordée par le texte européen exige une réception effective. Le professionnel doit donc s’assurer que les données parviennent réellement dans la sphère de contrôle de son cocontractant sans démarche supplémentaire. Cette exigence vise à compenser la faiblesse structurelle du consommateur qui ne dispose pas toujours des moyens de solliciter l’information requise.
B. L’exclusion du simple renvoi par lien hypertexte
La pratique consistant à insérer un lien vers une page web ne remplit pas les conditions d’une fourniture directe des informations obligatoires. L’internaute est contraint de cliquer sur l’hyperlien pour prendre connaissance du contenu juridique dont il devrait bénéficier de manière automatique et immédiate. La Cour juge que dans ce cadre, les informations « ne sont ni fournies à ce consommateur ni reçues par celui-ci » au sens légal. Cette solution renforce la sécurité juridique de l’acheteur en empêchant le prestataire de se décharger de son obligation par une simple accessibilité. Le renvoi vers un site internet externe impose ainsi une charge indue à la partie supposée bénéficier d’une protection renforcée par le droit.
II. La définition fonctionnelle du support durable
A. L’équivalence nécessaire avec le support papier
Le support durable doit offrir au consommateur des garanties fonctionnelles équivalentes à celles du support papier pour assurer la sauvegarde des droits contractuels. Il doit permettre de « stocker lesdites informations qui lui ont été adressées personnellement » afin de pouvoir les consulter ultérieurement en cas de besoin. Cette accessibilité doit persister pendant une durée appropriée tout en offrant la possibilité de reproduire les données de manière parfaitement fidèle. L’objectif est de permettre au client de faire valoir ses prétentions en disposant d’une preuve intangible du contenu initial de son engagement. Le support doit donc sortir de la sphère d’influence exclusive du vendeur pour garantir une conservation pérenne des éléments du contrat.
B. L’instabilité structurelle des sites internet classiques
Un site internet ordinaire ne peut constituer un support durable car son contenu demeure sous le contrôle exclusif et unilatéral du professionnel vendeur. Le support doit garantir « l’absence d’altération de leur contenu » pour éviter que le prestataire ne modifie les conditions contractuelles après la vente. La Cour estime qu’un tel outil ne permet pas au consommateur de posséder les informations pour les exploiter en dehors du site internet. Seuls les systèmes offrant des espaces personnels sécurisés et immuables pourraient éventuellement répondre aux exigences de protection définies par la jurisprudence européenne. L’arrêt confirme ainsi que la technologie ne doit pas conduire à une diminution de l’information fournie par rapport aux méthodes classiques.