La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 5 juillet 2012 une décision importante relative au protocole sur les privilèges et immunités. Cette affaire porte sur l’impossibilité pour un État membre de soumettre à l’impôt national les revenus versés par les institutions de l’Union. Deux anciens fonctionnaires européens résidant en France perçoivent des pensions de retraite et sont assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune. Ils ont omis d’intégrer ces revenus communautaires dans le calcul du plafonnement fiscal prévu par le code général des impôts. L’administration fiscale a rejeté leur demande de plafonnement, provoquant un contentieux devant le tribunal de grande instance de Chartres. La Cour d’appel de Versailles a infirmé un premier jugement le 27 novembre 2008 au profit des contribuables. La Cour de cassation a ensuite rejeté le pourvoi de l’administration le 19 janvier 2010. Le tribunal de grande instance de Chartres a toutefois sollicité une décision préjudicielle pour clarifier l’interprétation du droit de l’Union. La question posée concerne la possibilité d’inclure les revenus européens dans le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune. La Cour juge que le protocole s’oppose à une telle prise en compte car elle constitue une imposition indirecte interdite.
I. L’affirmation de l’autonomie fiscale des institutions de l’Union européenne
A. Le principe de l’exonération des émoluments d’origine communautaire
L’article treize du protocole établit que les fonctionnaires de l’Union sont exempts d’impôts nationaux sur les traitements et pensions versés par les institutions. Cette règle fondamentale permet aux autorités européennes d’exercer leur pouvoir exclusif de fixer le montant effectif des revenus de leurs agents. La Cour rappelle que cette compétence exclusive vise à « renforcer l’indépendance des cadres administratifs de l’Union à l’égard des pouvoirs nationaux ». La protection des rémunérations contre les prélèvements étatiques garantit également une égalité de traitement entre les fonctionnaires de nationalités différentes. Les États membres ne conservent aucun droit de soumettre ces revenus spécifiques à leur propre système fiscal national. Cette répartition des compétences fiscales entre l’Union et les États membres demeure strictement définie par les traités et le protocole annexé.
B. L’interdiction de toute imposition indirecte par les autorités nationales
Le droit de l’Union prévoit une « nette distinction » entre les revenus d’origine nationale et ceux versés par les institutions européennes. La souveraineté fiscale des États membres ne peut s’étendre aux émoluments protégés par le protocole sur les privilèges et immunités. Cette séparation interdit aux administrations nationales d’établir une imposition quelconque trouvant sa cause dans les revenus versés par l’Union européenne. La jurisprudence précise que cette prohibition concerne non seulement les impositions directes mais également toutes les formes d’impositions indirectes. Toute mesure nationale qui aboutit à grever les revenus communautaires méconnaît le pouvoir de décision exclusif de l’organisation internationale. L’autonomie financière des agents de l’Union constitue un élément essentiel de leur indépendance vis-à-vis des autorités de leur pays de résidence.
II. La condamnation de l’intégration des revenus européens dans le plafonnement fiscal
A. Le constat d’un alourdissement prohibé de la charge fiscale finale
Le mécanisme français prévoit que l’impôt de solidarité sur la fortune est réduit en fonction du total des revenus perçus par le contribuable. L’inclusion des pensions européennes dans ce calcul augmente mathématiquement le montant total des revenus servant de référence au plafonnement. Cette opération « revient à augmenter le taux final d’imposition au détriment du fonctionnaire ou de l’agent de l’Union ». La Cour considère que l’application de cette législation conduit à mettre à la charge des redevables une imposition indirecte. Le juge européen confirme ainsi l’analyse de la Cour de cassation sur l’existence d’une charge grevant les revenus protégés. L’augmentation de la cotisation finale de l’impôt national démontre le lien causal entre le revenu communautaire et le surplus de taxe.
B. L’obligation de respecter l’effet utile du protocole sur les immunités
La volonté nationale de limiter l’effet confiscatoire de l’impôt ou d’appréhender les facultés contributives ne justifie pas la violation du protocole. Les objectifs de justice fiscale interne doivent s’effacer devant les obligations impératives découlant du droit primaire de l’Union européenne. La personne bénéficiant de ces émoluments est « soustraite à toute obligation de déclarer le montant de ceux-ci aux autorités d’un État membre ». La sécurité juridique impose que ces revenus ne subissent aucune influence, même latérale, de la part des systèmes fiscaux des États membres. Cette solution garantit que les avantages accordés par l’Union à ses agents ne soient pas neutralisés par des mécanismes comptables nationaux. Le respect de cette exonération totale assure l’efficacité du régime statutaire des fonctionnaires européens sur l’ensemble du territoire de l’Union.