Cour de justice de l’Union européenne, le 5 juillet 2018, n°C-213/17

La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 6 octobre 2025, précise les conditions de transfert de responsabilité entre États membres. Un ressortissant étranger a introduit plusieurs demandes de protection internationale avant d’être remis à une autorité tierce en exécution d’un mandat d’arrêt européen. Des recours juridictionnels contre les rejets de ses demandes initiales demeuraient pendants alors que les délais de requête aux fins de reprise en charge expiraient. Le litige porte sur la détermination de l’État responsable de l’examen de la demande lorsque les délais fixés par le règlement sont dépassés. La Cour affirme que l’absence de requête formulée dans les temps impartis rend l’État membre d’accueil responsable, nonobstant l’existence d’un recours judiciaire. Cette décision clarifie l’articulation entre l’efficacité des procédures administratives et le respect des droits fondamentaux des demandeurs de protection au sein de l’Union. L’étude portera d’abord sur la rigueur du régime des délais de forclusion avant d’analyser la coordination des différents instruments de coopération européenne.

I. L’encadrement strict du transfert de responsabilité par le respect des délais procéduraux

A. La responsabilité automatique découlant de l’expiration des délais de requête

L’article 23, paragraphe 3, du règlement n o 604/2013 instaure une règle de transfert de compétence claire pour assurer la célérité du traitement des demandes. La Cour dispose que « l’État membre auprès duquel une nouvelle demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen de celle–ci » sans requête opportune. Cette responsabilité s’impose dès lors qu’une requête aux fins de reprise en charge n’a pas été formulée dans les délais fixés par la législation européenne. Le juge souligne que cette solution prévaut même si un recours contre le rejet d’une demande antérieure est toujours en cours devant une autre juridiction. La sécurité juridique exige que l’inertie d’un État membre entraîne des conséquences prévisibles sur la détermination définitive de l’autorité compétente pour statuer au fond. Le respect des délais prévus à l’article 23, paragraphe 2, constitue ainsi une condition impérative pour maintenir la responsabilité de l’État membre initialement saisi.

B. L’autonomie des recours juridictionnels nationaux face aux procédures de reprise

L’interprétation de l’article 18, paragraphe 2, du règlement confirme l’indépendance des voies de droit nationales vis-à-vis des mécanismes de transfert entre les États membres. La formulation d’une requête aux fins de reprise en charge « n’impose pas à cet État membre de suspendre l’examen d’un recours exercé contre le rejet d’une demande ». Le droit de l’Union ne contraint pas les juridictions nationales à interrompre leurs analyses au profit d’une procédure administrative de détermination de responsabilité en cours. Les juges considèrent que l’acceptation d’une requête par l’État requis ne met pas automatiquement fin à l’examen de la validité d’une décision de rejet antérieure. Cette approche préserve l’effectivité du droit à un recours effectif en permettant au demandeur de contester une décision administrative sur le territoire concerné. La coexistence de ces procédures garantit une protection juridique continue sans sacrifier les objectifs de rapidité inhérents au système de détermination de l’État responsable.

II. La flexibilité maintenue dans l’articulation des instruments de coopération européenne

A. La préservation du pouvoir discrétionnaire relatif à la clause de souveraineté

L’article 17, paragraphe 1, du règlement n o 604/2013 permet à chaque État membre de décider d’examiner une demande de protection même sans compétence théorique. La Cour précise que l’État sur le territoire duquel se trouve le demandeur suite à un mandat d’arrêt européen n’est pas tenu d’exercer cette faculté. Ce second État peut valablement « requérir ce premier État membre aux fins de la reprise en charge » sans être obligé d’assumer lui-même l’examen. La remise d’une personne par la voie de la coopération judiciaire pénale ne modifie pas automatiquement les obligations de l’État membre d’accueil en matière d’asile. Le juge européen maintient le caractère purement facultatif de la clause de souveraineté pour éviter une surcharge injustifiée des systèmes nationaux de protection internationale. Cette souplesse assure que les mécanismes de transfert Dublin restent la règle principale malgré l’intervention d’autres outils juridiques comme le mandat d’arrêt.

B. L’absence d’obligation d’information réciproque sur l’état des procédures pendantes

L’article 24, paragraphe 5, du règlement dispense l’État requérant d’une obligation d’information systématique concernant l’existence de recours juridictionnels en cours sur son propre territoire. Un État formulant une requête de reprise en charge « n’est pas tenu d’informer les autorités de ce dernier État membre qu’un recours exercé » est pendant. La Cour estime que cette omission ne vicie pas la procédure de transfert entre les administrations compétentes des deux États membres concernés par la demande. L’efficacité des échanges entre les autorités nationales repose sur le respect des formulaires standards et des délais de réponse fixés par le cadre réglementaire. Une telle solution évite d’alourdir les transmissions administratives par des précisions procédurales qui n’auraient pas d’incidence directe sur l’application des critères de responsabilité. La transparence entre États membres se trouve ainsi limitée aux seuls éléments strictement nécessaires à la mise en œuvre opérationnelle des transferts de demandeurs.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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