La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 5 juillet 2018, précise l’étendue de sa compétence en matière de contrats de travail. Un requérant a travaillé pour diverses missions internationales entre 1994 et 2014 sous le régime de contrats à durée déterminée successifs. Les premiers engagements désignaient les tribunaux de Bruxelles alors que le dernier contrat attribuait compétence à la Cour de justice de l’Union européenne. L’intéressé a saisi le Tribunal de l’Union européenne afin d’obtenir la requalification de l’ensemble de ses relations contractuelles en contrat de travail unique.
Le Tribunal de l’Union européenne a rejeté ce recours par une ordonnance du 9 novembre 2016 en se déclarant manifestement incompétent pour les demandes principales. Les juges de première instance ont estimé que leur saisine ne pouvait légalement concerner que les litiges découlant strictement du dernier engagement contractuel. Le requérant a formé un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne pour contester cette interprétation restrictive des clauses compromissoires. La nature continue de sa relation de travail imposerait une appréciation globale de sa situation par une juridiction unique.
La question de droit porte sur la capacité du juge de l’Union à connaître d’une demande de requalification portant sur des contrats successifs. Il s’agit de déterminer si la compétence fondée sur le dernier contrat permet d’examiner les engagements antérieurs désignant pourtant des juridictions nationales. La Cour de justice de l’Union européenne annule l’ordonnance attaquée en soulignant la nécessité de vérifier l’existence d’un rapport direct entre les demandes et le contrat.
L’exigence d’un lien contractuel direct avec la juridiction de l’Union précède la reconnaissance d’une compétence étendue à la relation de travail globale.
I. L’exigence d’un lien contractuel direct avec la juridiction de l’Union
A. Le principe de l’interprétation restrictive des clauses compromissoires
La Cour rappelle que la compétence des juridictions de l’Union statuant en vertu d’une clause compromissoire déroge au droit commun des traités. Elle précise que « la compétence du Tribunal, fondée sur une clause compromissoire, est dérogatoire du droit commun et doit, partant, être interprétée restrictivement ». Cette rigueur interprétative préserve les prérogatives des juridictions nationales pour les litiges auxquels l’Union est simplement partie sans attribution expresse. Le juge peut connaître des demandes dérivant du contrat contenant la clause ou présentant un rapport direct avec les obligations en découlant.
B. Le refus initial d’appréhender les effets des contrats antérieurs
Le Tribunal de l’Union européenne avait limité son examen au seul dernier contrat à durée déterminée au motif qu’il comportait l’unique clause compromissoire. Les juges de première instance considéraient que « la portée de la clause attributive de compétence […] ne saurait s’étendre aux contrats antérieurs prévoyant la compétence d’autres juridictions ». Cette position interdisait toute demande de requalification globale de la carrière du requérant car elle supposait d’analyser des engagements juridiquement distincts. La juridiction refusait ainsi d’admettre que les effets des contrats passés sous l’empire du droit national puissent être discutés devant le juge européen.
La restriction de la compétence aux seuls termes du dernier contrat est remise en cause par l’analyse de la continuité des engagements contractuels.
II. La reconnaissance d’une compétence étendue à la relation de travail globale
A. L’assimilation de la succession contractuelle à une relation unique
La Cour de justice de l’Union européenne affirme que la pluralité des écrits n’interrompt pas nécessairement l’unité de la relation de travail. Elle relève que les demandes sont « liées à l’existence d’une relation de travail unique et continue fondée sur une succession de contrats à durée déterminée ». Cette approche réaliste permet au juge saisi du dernier contrat de tenir compte de l’ensemble des rapports ayant existé entre les parties. L’unité de la carrière du travailleur prime sur la division formelle opérée par les différentes clauses attributives de juridiction insérées au fil des ans.
B. La censure de l’incompétence manifeste opposée au requérant
Les juges considèrent que le Tribunal a commis une erreur de droit en se déclarant manifestement incompétent sans vérifier le lien entre les demandes. La Cour juge que le recours « contient des demandes qui dérivent également du dernier contrat à durée déterminée » justifiant l’examen du fond. Elle annule l’ordonnance en invitant le Tribunal à vérifier dans quelle mesure il peut tenir compte des contrats de travail précédents pour statuer. Cette solution garantit au requérant l’accès à un juge capable de se prononcer sur l’intégralité de sa situation professionnelle sans fragmentation contentieuse.