La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 5 mars 2020, traite de l’harmonisation du spectre radioélectrique pour les services mobiles par satellite. Un opérateur sélectionné au niveau de l’Union n’a pas respecté ses engagements de couverture de cinquante pour cent de la population et soixante pour cent du territoire. L’autorité nationale compétente a néanmoins accordé les autorisations nécessaires par une décision du 7 août 2018 malgré ce retard avéré dans le lancement des services requis. Un fournisseur concurrent a contesté cet acte devant la cour d’appel de Bruxelles qui, par une décision du 23 janvier 2019, a sollicité l’interprétation préjudicielle de la Cour. La juridiction de renvoi demande si le non-respect des engagements initiaux impose ou permet aux autorités nationales de refuser le déploiement des stations terrestres de l’opérateur. La Cour de justice dit pour droit que les autorités nationales ne peuvent pas refuser ces autorisations au seul motif que l’engagement de couverture territoriale n’a pas été respecté. Cette solution repose sur une lecture rigoureuse de la répartition des compétences entre l’Union et les États membres pour la gestion des services paneuropéens.
I. L’encadrement strict des compétences nationales de délivrance
A. Le caractère lié des conditions d’autorisation terrestre
L’article 8 de la décision n° 626/2008 soumet l’octroi des autorisations à la double condition que l’opérateur soit sélectionné au niveau européen et autorisé à utiliser le spectre. La Cour de justice relève que les autorités nationales « accordent aux candidats sélectionnés […] et autorisés à utiliser le spectre […] les autorisations nécessaires à la fourniture » des éléments terrestres. Dès lors que ces deux conditions administratives sont formellement remplies, l’administration nationale ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour rejeter la demande de l’opérateur de services mobiles. L’interprétation littérale du texte communautaire impose donc une compétence liée de l’État membre, qui ne peut pas ajouter de conditions supplémentaires lors de cette phase de déploiement.
B. La persistance des droits d’utilisation du spectre radioélectrique
Le manquement à l’obligation de couverture ne saurait entraîner la perte automatique des droits d’utilisation du spectre radioélectrique sans une procédure préalable de retrait formellement engagée. Le juge de l’Union précise à cet égard que « le non-respect d’une condition commune […] n’entraîne pas ipso facto le retrait des autorisations » initialement accordées à l’opérateur par la Commission. Tant qu’aucune décision de retrait n’est intervenue, l’opérateur conserve sa qualité de candidat sélectionné et bénéficie toujours de son droit d’exploitation sur l’ensemble du territoire de l’Union. Le cadre juridique privilégie ainsi la stabilité des titres d’exploitation au détriment d’une révocation unilatérale qui nuirait à l’objectif de couverture coordonnée du marché intérieur.
II. La primauté du mécanisme de contrôle coordonné européen
A. L’exclusion de toute sanction nationale autonome et unilatérale
Les États membres ne peuvent pas sanctionner directement le non-respect des engagements de couverture par un refus d’autorisation terrestre qui contournerait les procédures prévues par le droit dérivé. L’article 9 de la décision mobile impose en effet une application coordonnée des sanctions en cas d’infraction aux conditions communes pour garantir l’uniformité des mesures prises par les États. Le juge européen affirme que « les autorités compétentes des États membres ne sont pas habilitées à refuser d’accorder des autorisations » en dehors du cadre décisionnel harmonisé par la Commission. Cette interdiction empêche les régulateurs nationaux de s’arroger un pouvoir de police autonome qui viendrait briser l’unité du régime juridique applicable aux communications électroniques spatiales.
B. La sauvegarde de la dimension paneuropéenne des services
La procédure coordonnée vise à « éviter des incohérences dans l’application des procédures d’exécution nationales » qui nuiraient au développement du marché intérieur des télécommunications par satellite. Une approche nationale divergente pourrait entraîner une multiplicité de mesures contradictoires, remettant ainsi en cause le caractère intrinsèquement paneuropéen des services mobiles par satellite et de leurs composants. La cohérence du système repose sur un mécanisme de retrait en deux étapes qui seul permet de garantir la proportionnalité des sanctions face aux manquements techniques des opérateurs. Cette centralisation du pouvoir disciplinaire assure finalement que les services de haute technologie bénéficient d’un environnement juridique prévisible et stable sur l’ensemble du continent.