La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision le 6 octobre 2025 concernant l’application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée. Un établissement hospitalier privé contestait son assujettissement à la taxe suite à la modification des conditions de son exploitation commerciale habituelle. Le litige portait sur l’interprétation de la directive deux mille six cent douze relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. La juridiction de renvoi souhaitait savoir si des conventions publiques permettaient d’assimiler une clinique privée à un organisme de droit public. Elle demandait également si l’exonération obligatoire pouvait s’appliquer malgré un choix antérieur pour le régime de la taxation non encore expiré. La Cour répond que les autorités peuvent considérer les prix conventionnés et la prise en charge par la sécurité sociale comme des critères déterminants. Elle précise enfin que le changement des conditions d’exercice autorise le bénéfice de l’exonération nonobstant une option fiscale initialement irrévocable. L’appréciation des conditions sociales des établissements privés constitue le fondement de l’exonération fiscale, avant que la primauté de ce régime ne soit affirmée.
I. La reconnaissance du caractère social de l’établissement hospitalier privé
A. L’intégration dans le service public par la voie conventionnelle
La Cour de justice précise que les autorités compétentes peuvent tenir compte des conventions conclues avec des entités publiques pour évaluer l’activité. Ces accords fixent des tarifs encadrés qui garantissent l’accessibilité des soins à une large part de la population résidente. Il importe ainsi de vérifier si les prestations « sont assurées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public ». Le juge européen privilégie une approche matérielle de la fonction sociale plutôt qu’une approche purement organique ou statutaire de l’entité concernée. Cette méthode permet d’étendre le bénéfice de l’exonération fiscale aux acteurs privés participant activement aux missions d’intérêt général de l’État.
B. L’impact du financement par les organismes de sécurité sociale
Le mode de financement des soins constitue un indice majeur pour déterminer la nature sociale des activités exercées par l’hôpital. La Cour souligne que le fait que les coûts soient « assumés en partie par des institutions de sécurité sociale » renforce cette qualification. L’intervention financière publique témoigne de l’inscription de l’établissement dans un système régulé de protection de la santé des citoyens. Cette analyse garantit que l’avantage fiscal bénéficie réellement aux patients par une réduction effective du coût final des prestations médicales. L’exonération se justifie dès lors que l’opérateur privé se soumet à des contraintes tarifaires similaires à celles imposées aux hôpitaux publics.
La reconnaissance de cette vocation sociale impose alors de s’interroger sur la pérennité des options fiscales choisies antérieurement par l’assujetti.
II. La prévalence de l’exonération impérative sur l’option pour la taxation
A. Le droit au changement de régime après la mutation des activités
Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée prévoit une exonération de plein droit pour les activités d’intérêt général. La Cour juge qu’une « modification des conditions d’exercice » de l’activité justifie l’abandon du régime de la taxation préalablement choisi. L’engagement de demeurer soumis à la taxe pendant un certain délai ne saurait faire obstacle à l’application de l’exonération obligatoire. La mutation objective de la nature de l’établissement prime sur la volonté initialement exprimée par l’assujetti lors de sa déclaration. Le droit national ne peut pas contraindre un organisme social à payer la taxe lorsque les conditions de l’exonération sont remplies.
B. La sauvegarde des principes de neutralité et de sécurité juridique
L’interprétation de la Cour s’appuie sur les principes fondamentaux de confiance légitime et de neutralité fiscale inhérents au droit de l’Union. Le respect de ces règles interdit de maintenir une taxation qui fausserait la concurrence entre les différents opérateurs du secteur hospitalier. La directive ne s’oppose pas à l’exonération car la réalité économique de l’activité doit l’emporter sur les formalités administratives nationales. Cette solution assure une cohérence globale du système de taxe sur la valeur ajoutée tout en protégeant les attentes légitimes des contribuables. La décision confirme ainsi que l’intérêt général attaché à la santé publique prévaut sur les mécanismes de stabilité des options fiscales.