Cour de justice de l’Union européenne, le 5 mars 2020, n°C-679/18

La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 5 mars 2020, précise l’étendue des obligations pesant sur le juge national. Un établissement financier réclame le remboursement d’un crédit mais ne justifie pas avoir vérifié la solvabilité de son cocontractant au préalable. Le tribunal de district d’Ostrava s’interroge sur la compatibilité d’une loi exigeant que le consommateur invoque lui-même la nullité du contrat. La question posée porte sur l’obligation pour le juge d’examiner d’office le respect des règles protectrices issues de la directive relative au crédit. La juridiction européenne affirme que le juge doit relever de lui-même ce manquement afin de garantir une protection efficace des intérêts financiers. L’analyse portera d’abord sur l’impérativité du contrôle de solvabilité avant d’envisager l’éviction des obstacles procéduraux nationaux limitant cette garantie.

I. L’impérativité du contrôle de solvabilité du consommateur

A. La nature fondamentale de l’obligation de vérification

L’article 8 de la directive 2008/48 impose au prêteur d’évaluer la capacité de remboursement de l’emprunteur avant toute conclusion d’un contrat de crédit. Cette obligation de vigilance vise à responsabiliser les professionnels tout en évitant l’octroi de prêts de manière irresponsable à des personnes fragiles. La Cour souligne que cette vérification est « pour le consommateur, d’une importance fondamentale » car elle prévient les risques sérieux de surendettement et d’insolvabilité. Le respect de cette règle précontractuelle constitue un pilier du marché intérieur performant souhaité par le législateur de l’Union européenne.

B. L’extension du pouvoir de relevé d’office par le juge

La protection effective suppose que le juge examine d’office le respect de l’obligation de solvabilité dès qu’il dispose des éléments nécessaires. Le système repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité technique et informationnelle face au professionnel du crédit. « Le risque non négligeable que, notamment par ignorance, le consommateur n’invoque pas la règle de droit » justifie l’intervention spontanée du magistrat. Cette mission garantit la pleine efficacité des dispositions européennes sans dépendre de la diligence d’une partie souvent dépourvue de conseil juridique. Le juge doit alors tirer les conséquences de la violation sans attendre une demande expresse de l’intéressé sous réserve du contradictoire.

II. L’incompatibilité des obstacles procéduraux avec le principe d’effectivité

A. L’éviction des conditions d’invocation restrictives

Le droit national subordonne la nullité du contrat à une demande du consommateur formulée dans un délai de prescription de trois ans. Une telle exigence rend l’exercice des droits conférés par l’Union européenne excessivement difficile, voire impossible, pour un justiciable profane ou peu attentif. La Cour juge que « le principe d’effectivité s’oppose à la condition selon laquelle la sanction de nullité » doit être soulevée par le seul consommateur. Une sanction qui dépendrait exclusivement de l’initiative de la partie protégée perdrait son caractère véritablement dissuasif envers les pratiques bancaires illicites.

B. L’exigence de sanctions civiles réellement dissuasives

Les sanctions prévues par les États membres doivent rester « effectives, proportionnées et dissuasives » conformément aux exigences posées par l’article 23 de la directive. La déchéance du droit aux intérêts et aux frais apparaît comme une mesure adéquate face à la gravité du manquement constaté. Le juge national a l’obligation d’interpréter son droit interne d’une manière qui assure la réalisation complète des objectifs fixés par l’Union. Il doit au besoin laisser inappliquée une jurisprudence nationale incompatible avec ces finalités pour restaurer l’équilibre contractuel entre les parties. Cette primauté du droit européen assure une uniformité de protection sur l’ensemble du territoire de l’Union pour tous les emprunteurs.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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