Cour de justice de l’Union européenne, le 5 septembre 2024, n°C-603/22

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, en 2025, une décision fondamentale relative aux garanties procédurales des enfants suspectés dans une cause pénale. Cette affaire traite de l’interprétation de la directive 2016/800 face à des pratiques nationales limitant l’accès obligatoire à l’assistance d’un défenseur qualifié. Trois mineurs âgés de dix-sept ans ont été poursuivis pour une effraction commise dans un centre de vacances désaffecté situé dans la commune d’Ustka. La police a interrogé les suspects sans informer préalablement leurs parents et sans garantir la présence effective d’un avocat lors des premières auditions. Les suspects ont signé des documents complexes sur leurs droits sans en comprendre la portée réelle avant de faire des déclarations incriminantes devant les enquêteurs.

Le Sąd Rejonowy w Słupsku, saisi du litige, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la conformité de la législation polonaise. Le tribunal polonais a relevé que le code de procédure pénale national permet l’interrogatoire d’un mineur non détenu sans assistance obligatoire d’un avocat d’office. La question juridique posée porte sur l’obligation pour les États membres de garantir une défense technique dès la phase d’enquête et une information adaptée au mineur. La Cour doit également préciser si ces protections subsistent lorsque le suspect atteint la majorité au cours de la procédure et déterminer les sanctions d’une irrégularité. Le juge européen affirme le caractère impératif de l’assistance d’un avocat dès le premier interrogatoire et la nécessité d’une information compréhensible pour le mineur vulnérable. L’examen de la décision permet d’analyser le renforcement des droits de la défense durant l’enquête avant d’aborder le régime de protection temporelle et l’autonomie des sanctions.

I. La consécration de garanties procédurales strictes durant l’enquête

A. L’assistance obligatoire d’un conseil dès la phase initiale

La Cour de justice rappelle que la vulnérabilité particulière des enfants exige des garanties complémentaires pour assurer l’exercice effectif de leurs droits de la défense. L’arrêt souligne que « les enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies doivent se voir offrir par le droit national la possibilité concrète et effective d’être assistés d’un avocat ». Cette assistance technique ne peut être différée, le juge précisant qu’elle doit intervenir « avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire ». La juridiction européenne écarte toute possibilité de renonciation au droit à un avocat pour les mineurs, contrairement au régime applicable aux suspects majeurs.

Le juge européen considère qu’une réglementation nationale ne saurait autoriser l’interrogatoire d’un enfant en l’absence d’un défenseur, sauf dérogations strictement encadrées par le texte européen. La décision précise que « lorsque l’enfant doit être assisté d’un avocat […] mais qu’aucun avocat n’est présent, les autorités compétentes reportent l’interrogatoire ». Cette exigence impose au juge national d’écarter les dispositions internes incompatibles avec le libellé clair, précis et inconditionnel de la directive dotée d’un effet direct. L’efficacité des droits de la défense dépend de cette présence immédiate qui prévient tout risque d’extraction abusive de confessions au début de la procédure pénale.

B. Le droit à une information transparente et adaptée

L’effectivité de la défense suppose que le mineur suspecté comprenne les enjeux de la procédure pénale grâce à une communication simple et parfaitement accessible. La Cour estime qu’un « document d’information à caractère général » destiné aux adultes ne répond pas aux exigences de protection spécifiques dues à la jeunesse du suspect. Les autorités doivent fournir des informations sur les droits procéduraux dans un langage adapté à la maturité de l’enfant afin de garantir une compréhension réelle. Cette obligation d’information rapide doit être mise en œuvre « au plus tard avant le premier interrogatoire officiel du suspect ou de la personne poursuivie par la police ».

La transparence de la procédure exige également que le titulaire de la responsabilité parentale soit informé des droits et des étapes générales de l’instance pénale. La Cour précise que le parent « reçoit, dans les meilleurs délais, les mêmes informations que celles que l’enfant a le droit de recevoir » en vertu de la directive. Cette mesure de protection garantit un soutien psychologique et juridique indispensable pour compenser la vulnérabilité intrinsèque des mineurs confrontés à l’appareil répressif de l’État. Le respect de ces formalités d’information constitue un préalable nécessaire à la validité des actes accomplis durant la phase d’enquête par les autorités de police.

II. Le maintien temporel de la protection et l’autonomie des sanctions

A. La persistance de la protection au-delà de la majorité

Le champ d’application de la directive 2016/800 s’étend aux personnes ayant atteint dix-huit ans durant la procédure si leur vulnérabilité initiale justifie une protection continue. La Cour juge qu’une réglementation nationale ne peut exclure automatiquement du bénéfice des garanties les suspects devenus majeurs après le début des poursuites pénales engagées. La décision indique que « cette directive s’applique à ces personnes lorsque son application est appropriée au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce ». Cette évaluation au cas par cas doit tenir compte de la maturité et de la fragilité persistante du justiciable devant le tribunal saisi.

L’État membre ne peut fixer une limite d’âge absolue à dix-huit ans pour supprimer le droit à une assistance obligatoire d’un avocat commis d’office. Le juge européen rappelle que l’application des garanties peut être maintenue jusqu’à l’âge de vingt et un ans selon l’appréciation souveraine du juge national. Les juridictions polonaises doivent donc vérifier si le maintien d’un défenseur d’office est nécessaire pour assurer l’équilibre du procès malgré l’acquisition récente de la majorité civile. Cette interprétation dynamique assure une protection cohérente du justiciable dont la maturité n’évolue pas nécessairement au rythme des étapes procédurales ou de la date anniversaire.

B. L’autonomie nationale du régime d’admissibilité des preuves

La violation des droits garantis par la directive 2016/800 n’entraîne pas automatiquement l’irrecevabilité des preuves obtenues selon le droit de l’Union en vigueur. La Cour rappelle que « le droit de l’Union n’impose pas aux États membres de prévoir la possibilité pour un juge de déclarer comme étant irrecevables des preuves ». Il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État de déterminer les règles relatives à l’admissibilité des éléments recueillis en violation des prescriptions européennes. Cette autonomie procédurale reste toutefois encadrée par les principes d’équivalence et d’effectivité qui interdisent de rendre impossible l’exercice des droits de la défense.

Le juge national doit pouvoir apprécier la valeur probante des déclarations incriminantes en tenant compte de l’irrégularité commise lors de l’interrogatoire initial sans avocat. La juridiction de renvoi doit vérifier si l’utilisation d’une preuve viciée porte atteinte au caractère équitable du procès ou au principe du contradictoire garanti. L’arrêt précise que le juge doit pouvoir « tirer toutes les conséquences qui résultent de cette violation, en particulier en ce qui concerne la valeur probante » des éléments. Cette solution préserve la souveraineté des États en matière de procédure pénale tout en imposant un contrôle juridictionnel rigoureux sur l’équité globale de la condamnation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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