Cour de justice de l’Union européenne, le 6 avril 2017, n°C-638/15

La Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt du 6 avril 2017, précise la portée des définitions fiscales applicables aux produits du tabac manufacturés. La juridiction interprète la directive relative à la structure et aux taux des accises afin de garantir une application uniforme du droit européen. Les faits concernent la saisie de feuilles de tabac séchées et humidifiées, contenant de la glycérine, destinées à la vente au consommateur final. Ces produits peuvent être fumés après un hachage manuel élémentaire, sans passer par un processus de fabrication complexe en usine. Par une décision du 14 novembre 2013, une administration douanière a ordonné la confiscation de ces marchandises au motif qu’elles constituaient du tabac à fumer. La Cour régionale de České Budějovice a initialement rejeté le recours en estimant que la définition nationale respectait l’esprit de la directive européenne. Saisie en dernier ressort, la Cour administrative suprême a décidé d’interroger les juges européens sur la conformité de cette taxation aux règles de l’Union. La question posée porte sur l’inclusion de feuilles de tabac partiellement équeutées dans la catégorie des tabacs manufacturés au sens de la législation fiscale. La Cour énonce que des feuilles préparées pour être aisément hachées par l’utilisateur relèvent de la notion de tabac à fumer définie par la directive.

I. Une interprétation extensive de la notion de tabac à fumer

A. L’élargissement des critères matériels de qualification

La Cour retient une acception large des termes techniques prévus par le texte européen pour qualifier les produits soumis à l’accise. Selon l’article 5 de la directive, le tabac à fumer comprend le « tabac coupé ou fractionné d’une autre façon, filé ou pressé en plaques ». Les juges soulignent que ces termes désignent le résultat d’une opération consistant à diviser ou à démembrer la matière première. Le retrait partiel du pétiole d’une feuille de tabac suffit ainsi à caractériser une forme de fractionnement au sens de la norme fiscale. Cette approche extensive permet d’englober des produits bruts ayant subi une préparation minimale destinée à faciliter leur consommation ultérieure par le public. La qualification juridique ne dépend plus uniquement de la forme finale de la marchandise mais également de son état de préparation technique.

B. L’exclusion des manipulations manuelles du concept de transformation industrielle

Le texte européen exige que le produit soit susceptible d’être fumé sans « transformation industrielle ultérieure » pour entrer dans le champ de l’accise. La Cour définit ce processus comme une transformation à grande échelle, selon un processus standardisé, de matières premières en biens de consommation finis. Les juges excluent de cette définition les manipulations aisées visant à rendre un produit non fini immédiatement propre à être consommé par l’usager. Ils affirment que le tabac manufacturé est celui qui peut être aisément rendu prêt par des moyens non industriels, comme le hachage manuel. Le critère décisif réside dans la simplicité de l’opération nécessaire pour transformer la feuille de tabac en produit combustible prêt à l’emploi. Cette interprétation fonctionnelle empêche les opérateurs économiques d’échapper à l’imposition par la commercialisation de produits nécessitant un ultime traitement domestique.

II. Une solution guidée par les impératifs de régulation du marché

A. La garantie d’une fiscalité uniforme et équitable

La décision s’inscrit dans la volonté de maintenir une saine concurrence au sein du marché intérieur en harmonisant les structures de taxation. Le considérant huit de la directive impose de traiter de manière identique les produits ressemblant à de nombreux égards aux tabacs manufacturés classiques. L’harmonisation fiscale doit éviter que la concurrence entre les différentes catégories de produits ne soit faussée par des régimes d’imposition divergents. En soumettant les feuilles de tabac préparées à l’accise, la Cour prévient les risques de contournement de la législation par des acteurs économiques. La neutralité de l’impôt est ainsi préservée face à l’émergence de nouveaux modes de consommation ou de préparation des produits du tabac. Cette rigueur fiscale assure que chaque produit susceptible d’être fumé contribue équitablement aux recettes publiques de l’État membre concerné.

B. La primauté de l’objectif de protection de la santé publique

L’interprétation retenue par les juges européens sert également l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine dans l’Union. Les produits du tabac nuisent gravement à l’organisme et leur consommation doit être régulée par des instruments fiscaux dissuasifs pour le grand public. Une vision restrictive de la notion de tabac à fumer laisserait des produits dangereux circuler sans la charge fiscale destinée à limiter leur attrait financier. La Cour rappelle que la législation fiscale doit tenir compte de la dangerosité inhérente à chaque type de tabac manufacturé vendu sur le marché. En intégrant les feuilles de tabac brut préparées dans le champ des accises, le juge renforce l’efficacité des politiques de lutte contre le tabagisme. La solution favorise ainsi la cohérence entre les règles du marché intérieur et les engagements internationaux de l’Union en matière sanitaire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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