La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 décembre 2017, un arrêt essentiel concernant la validité des réseaux de distribution sélective. Un fournisseur de cosmétiques de prestige a instauré un système contractuel pour garantir la protection de l’image de marque de ses produits luxueux. Un différend est apparu avec un distributeur agréé qui contestait l’interdiction contractuelle de vendre les marchandises par l’intermédiaire de plateformes tierces visibles. L’Oberlandesgericht Frankfurt am Main a décidé, le 19 avril 2016, de surseoir à statuer pour interroger les juges européens sur la légalité de telles clauses. La question posée visait à savoir si la préservation du luxe justifiait des critères de sélection limitant la liberté commerciale des revendeurs sur Internet. L’arrêt dispose qu’un système de distribution sélective visant à « préserver l’image de luxe de ces produits » est conforme au droit de l’Union.
**I. La validité de la distribution sélective face à l’impératif de prestige**
**A. La légitimité de la protection de l’image de luxe**
La Cour affirme que l’aura de prestige constitue une caractéristique essentielle des produits de luxe pour répondre aux attentes légitimes des consommateurs européens. Elle précise qu’un système de distribution « visant, à titre principal, à préserver l’image de luxe » ne contrevient pas aux règles de concurrence. Cette protection de l’image de marque justifie une sélection rigoureuse des points de vente pour éviter toute dépréciation visuelle ou commerciale des marchandises. La juridiction européenne valide ainsi l’idée que le luxe ne se limite pas à des propriétés physiques mais inclut une dimension symbolique forte. Ce critère qualitatif permet au fournisseur de s’assurer que ses produits sont présentés dans un écrin valorisant la réputation de l’entreprise productrice.
**B. Le respect indispensable des critères qualitatifs objectifs**
L’admission de ce système reste soumise à la condition que « le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif ». Ces exigences doivent être fixées de manière parfaitement uniforme à l’égard de tous les distributeurs potentiels souhaitant intégrer le réseau de distribution. L’application des critères de sélection doit s’effectuer de façon non discriminatoire pour garantir une égalité de traitement entre les différents opérateurs du marché. Le juge européen exige que les restrictions définies contractuellement n’aient pas vocation à aller « au-delà de ce qui est nécessaire » pour l’objectif. Le principe de proportionnalité oblige le fournisseur à limiter ses exigences aux seuls besoins réels de la protection de son image de marque.
**II. La licéité de la clause interdisant le recours aux plateformes tierces**
**A. L’absence de restriction caractérisée de la concurrence**
L’interdiction de recourir à des plateformes tierces ne constitue pas une restriction de la clientèle au sens du règlement relatif aux accords verticaux. La Cour considère que cette clause n’empêche pas les distributeurs de réaliser des ventes en ligne via leur propre boutique numérique de manière autonome. Elle ajoute que cette mesure ne constitue pas non plus « une restriction des ventes passives aux utilisateurs finals » selon le droit européen applicable. Le revendeur conserve la possibilité de faire de la publicité sur Internet pour attirer les clients vers son site de vente personnel et indépendant. Cette distinction fondamentale permet de concilier la liberté de commerce électronique avec les impératifs de contrôle qualitatif souhaités par les producteurs de luxe.
**B. La proportionnalité nécessaire de l’interdiction contractuelle**
L’article 101 du traité ne s’oppose pas à une clause interdisant aux distributeurs agréés de « recourir de manière visible à des plateformes tierces ». Cette restriction est licite dès lors qu’elle vise à maintenir l’éclat et le prestige des produits contractuels dans un environnement numérique contrôlé. La juridiction de renvoi doit néanmoins vérifier que cette interdiction est appliquée de manière uniforme et qu’elle demeure strictement proportionnée au but recherché. Une telle clause prévient la banalisation des marchandises de luxe qui résulterait d’une vente sur des sites internet ne respectant pas les standards qualitatifs. La Cour de justice offre ainsi un cadre juridique stable pour le développement du commerce de prestige au sein du marché unique européen.