Cour de justice de l’Union européenne, le 6 février 2014, n°C-613/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 février 2014, précise les conditions de preuve de l’origine préférentielle des marchandises. Un litige opposait une société importatrice à une administration douanière nationale concernant l’imposition de droits d’importation sur une cargaison d’urée provenant d’Égypte. La marchandise avait fait l’objet d’un certificat de circulation initial avant d’être scindée lors d’une escale dans un premier État membre. Un certificat de remplacement fut sollicité pour expédier une partie du lot vers un second État membre où résidait le destinataire final. L’administration du premier État délivra ce document onze jours après le départ effectif du navire de ses eaux territoriales. Les autorités du pays de destination refusèrent le bénéfice du régime préférentiel au motif que les conditions posées par le protocole n° 4 n’étaient pas remplies. Elles soutenaient que le certificat de remplacement fut établi alors que la marchandise n’était plus sous le contrôle de l’autorité d’émission. Saisi d’un recours, le Finanzgericht de Düsseldorf décida de surseoir à statuer par une décision du 12 décembre 2012 pour interroger la juridiction européenne. La question portait sur la possibilité d’établir l’origine égyptienne d’un produit scindé malgré l’irrégularité formelle entachant la délivrance du certificat de remplacement. La Cour répond par l’affirmative si l’origine est attestée par le certificat initial et si l’identité des marchandises scindées est matériellement démontrée.

I. La primauté de la réalité de l’origine sur le formalisme douanier

A. Le caractère subsidiaire du contrôle physique immédiat

L’article 20 du protocole n° 4 dispose que le remplacement d’un certificat nécessite que les produits originaires soient placés « sous le contrôle » du bureau de douane. La Cour reconnaît explicitement que cette expression implique une délivrance « pendant que la marchandise se trouve sous leur contrôle » ou dans les meilleurs délais après. En l’espèce, le décalage temporel entre le départ du navire et la signature du document de remplacement constituait une violation formelle de la procédure prévue. Toutefois, les juges considèrent que cette inobservation ne saurait entraîner automatiquement l’exclusion du régime préférentiel si l’origine reste par ailleurs certaine et vérifiable. Le refus systématique fondé sur ce seul motif méconnaîtrait la portée probatoire globale des documents de circulation prévus par les accords d’association euro-méditerranéens.

B. La force probante contraignante du certificat d’origine initial

La jurisprudence rappelle que le certificat de circulation constitue le « titre justificatif de l’origine préférentielle » dont l’intégrité assure la sécurité des échanges internationaux. Il appartient exclusivement aux autorités de l’État d’exportation d’établir l’origine d’une marchandise par la délivrance de ce document officiel et souverain. Les administrations douanières des États membres ont l’obligation de reconnaître les appréciations portées par les autorités de l’État d’exportation lié par un accord international. Un certificat valablement émis par l’État tiers « lie l’ensemble des autorités douanières de l’Union quant à l’origine préférentielle » des marchandises désignées. La validité persistante du titre initial permet donc de couvrir les éventuelles irrégularités administratives survenues lors du fractionnement ultérieur de la cargaison.

II. L’effectivité du régime préférentiel et la continuité des preuves

A. Le respect des principes de bonne foi et de coopération internationale

L’interprétation des accords d’association doit s’effectuer à la lumière de la convention de Vienne qui impose l’exécution des traités de « bonne foi ». Refuser le traitement préférentiel à un importateur titulaire d’un certificat initial régulier serait « incompatible avec les principes énoncés aux articles 26 et 31 ». Une telle rigueur administrative contreviendrait aux objectifs de libéralisation progressive des échanges de biens fixés par l’article premier de l’accord avec l’Égypte. La Cour privilégie ainsi une approche téléologique du droit douanier afin d’éviter que des obstacles procéduraux mineurs ne vident les engagements internationaux de leur substance. Cette solution garantit une réciprocité nécessaire dans la reconnaissance des décisions douanières entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux privilégiés.

B. L’exigence de preuve matérielle de l’identité des marchandises

Le bénéfice du régime préférentiel reste néanmoins subordonné à la démonstration rigoureuse que la fraction scindée correspond exactement au lot décrit initialement. L’importateur souhaitant se prévaloir du certificat d’origine doit « établir que cette partie scindée de la marchandise correspond bien » au produit certifié. Cette preuve matérielle compense l’absence de contrôle physique concomitant à la délivrance du certificat de remplacement par les autorités douanières de passage. Il appartient dès lors au Finanzgericht de Düsseldorf de vérifier la concordance entre les volumes importés et les mentions figurant sur les titres originaires. Le juge européen concilie ainsi la souplesse administrative avec la rigueur nécessaire à la prévention des fraudes dans le commerce des produits originaires.

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Hassan KOHEN
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