La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du six juin deux mille vingt-quatre, interprète la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen. L’affaire concerne une demande de consentement pour poursuivre une personne déjà remise pour des infractions commises antérieurement à son transfert vers l’État d’émission. Une difficulté s’élève car les mandats initiaux provenaient de procureurs dont la qualité d’autorité judiciaire est contestée au regard de la jurisprudence européenne récente. La Haute Cour d’Irlande, le vingt-sept juillet deux mille vingt, puis la Cour d’appel d’Irlande, le vingt-sept mai deux mille vingt et un, ont validé la procédure. Les juges européens estiment que le consentement est valable malgré l’invalidité théorique de l’acte initial, dès lors que la demande émane d’une autorité judiciaire compétente.
I. L’autonomie de la procédure de consentement au regard de la remise initiale
A. La distinction fonctionnelle des phases de la coopération judiciaire
La Cour souligne que la décision de donner le consentement prévu à l’article vingt-sept « est distincte de celle relative à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ». Cette séparation implique que le mandat d’arrêt initial « a, en principe, épuisé ses effets juridiques » une fois que la remise de l’individu a été effectuée. L’objet de la règle de spécialité consiste à éviter qu’un État n’empiète sur les compétences de l’autre en outrepassant ses prérogatives initiales. La procédure de consentement déploie ainsi des effets juridiques propres qui ne se confondent pas avec ceux de la décision ayant ordonné la remise.
B. L’indépendance de l’examen de la demande de consentement
L’autorité judiciaire d’exécution doit procéder à un examen séparé et autonome par rapport à celui ayant conduit à la décision de remise de la personne concernée. Elle vérifie si la demande est accompagnée des informations nécessaires et si l’infraction entraîne l’obligation de remise aux termes de la décision-cadre. Les motifs de refus sont limitativement énumérés et ne permettent pas de réexaminer la régularité de l’autorité ayant délivré les mandats d’arrêt originels. Un vice affectant l’acte initial ne saurait donc empêcher l’autorité d’exécution de donner son accord à l’extension des poursuites pour de nouveaux faits. Cette autonomie procédurale se double d’une volonté affirmée de préserver la stabilité des décisions de justice déjà exécutées au sein de l’espace judiciaire européen.
II. La préservation de la sécurité juridique et de l’efficacité de l’espace judiciaire européen
A. La consécration de l’autorité de la chose jugée
Il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives « ne puissent plus être remises en cause » afin de garantir la stabilité des relations juridiques. Le principe de l’autorité de la chose jugée fait obstacle à ce qu’un vice affectant l’acte de remise initial paralyse les demandes de consentement ultérieures. Une approche contraire fragiliserait la confiance mutuelle entre les États membres en permettant une remise en question perpétuelle des décisions de justice définitives. La sécurité juridique impose de maintenir les effets d’une remise ordonnée par une décision n’ayant pas fait l’objet d’un recours dans les délais.
B. L’impératif de célérité et de lutte contre l’impunité
Une interprétation stricte des conditions de consentement risquerait de « neutraliser l’objectif poursuivi » par la décision-cadre consistant à faciliter et accélérer les remises judiciaires. Admettre un tel réexamen aboutirait à retarder excessivement le traitement des demandes de consentement pour des motifs totalement étrangers aux impératifs de la coopération. La solution retenue favorise la réalisation de l’objectif de lutte contre l’impunité en permettant la poursuite effective des infractions commises par la personne remise. Les juges européens assurent ainsi l’équilibre entre la protection des droits individuels et la nécessité d’une répression pénale efficace au sein de l’Union.