Par une décision du 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne délimite les contours de la révocation du statut de réfugié. Un ressortissant étranger a fait l’objet d’une condamnation pénale définitive pour des faits graves commis sur le territoire d’un État membre de l’Union. L’administration a décidé de lui retirer sa protection internationale en invoquant l’existence d’une menace persistante pour l’ordre public et la sécurité nationale. La juridiction de renvoi interroge les juges européens sur l’interprétation de la directive concernant les normes relatives aux conditions d’octroi de la protection. Le litige porte sur la qualification du crime particulièrement grave et sur les modalités d’évaluation de la dangerosité du bénéficiaire de la protection. La Cour énonce qu’une telle qualification exige une gravité exceptionnelle touchant aux intérêts fondamentaux de la société sans permettre de révocation de plein droit. L’autorité compétente doit démontrer le caractère réel et actuel de la menace tout en vérifiant la proportionnalité de la mesure de retrait envisagée. L’analyse de cette solution impose d’étudier la définition stricte du crime particulièrement grave avant d’envisager les conditions procédurales de la révocation du statut de réfugié.
I. La définition rigoureuse du crime particulièrement grave
A. Les critères cumulatifs d’une gravité exceptionnelle
La Cour précise qu’un « crime particulièrement grave » se définit par une « gravité exceptionnelle » au regard des atteintes portées à l’ordre juridique de la société. Cette qualification s’applique uniquement aux infractions qui heurtent le plus profondément les valeurs fondamentales protégées par le système législatif de l’État membre concerné. La juridiction européenne exclut ainsi une interprétation extensive de cette notion afin de préserver le caractère protecteur du statut de réfugié dans l’Union.
B. Une appréciation globale des circonstances de l’infraction
L’autorité doit tenir compte de la « peine encourue » et de la « peine prononcée » pour déterminer le degré de gravité de l’acte criminel commis. L’examen intègre « la nature de celui-ci » et les « circonstances aggravantes ou atténuantes » entourant la commission des faits reprochés au ressortissant étranger. Les juges insistent sur le « caractère intentionnel ou non » ainsi que sur « l’ampleur des dommages causés » par le crime pour fonder une appréciation juste.
L’identification du crime ne constitue cependant que la première étape d’un raisonnement juridique qui exige ensuite la caractérisation d’une menace pour la société.
II. Le régime de la révocation subordonné à une menace caractérisée
A. L’absence d’automaticité de la menace sociale
L’existence d’une menace ne peut être « regardée comme étant établie en raison du seul fait » d’une condamnation pour un crime grave. La Cour rejette toute forme de présomption irréfragable de dangerosité découlant automatiquement de la décision rendue par une juridiction pénale de fond. Le droit de l’Union impose une distinction nette entre la sanction d’un comportement passé et l’évaluation prospective du risque pour la collectivité nationale.
B. L’exigence d’une menace actuelle et proportionnée
L’autorité compétente doit établir que la menace présente un « caractère réel, actuel et suffisamment grave » pour un intérêt fondamental de la société de l’État. Cette exigence implique que le comportement individuel du réfugié doit encore représenter un danger effectif au moment où la décision de révocation est prise. Enfin, le retrait du statut doit constituer une « mesure proportionnée » afin de garantir un équilibre entre la sécurité publique et les droits du réfugié.