Cour de justice de l’Union européenne, le 6 juin 2018, n°C-667/16

La Cour de justice de l’Union européenne, le 6 juin 2018, précise les modalités de réduction des aides agricoles en cas de non-respect des règles de conditionnalité. Un éleveur sollicite des paiements directs pour l’année 2011 mais des contrôles révèlent dix infractions relatives à la protection des veaux au sein de son exploitation bovine. L’autorité administrative applique une réduction globale de 55 % combinant des manquements par négligence et un cas de non-conformité intentionnelle identifiés durant l’année civile. L’exploitant soutient que le plafonnement à 15 % doit s’appliquer globalement tandis que l’administration défend la légalité du cumul atteignant le taux de 55 %. Saisie d’un recours, la Cour d’appel du contentieux administratif en matière économique des Pays-Bas interroge le juge européen, le 20 décembre 2016, sur le cumul des sanctions. La juridiction affirme que les réductions pour négligence et pour acte intentionnel doivent être cumulées sans que le total n’excède le montant total des paiements directs. L’examen de l’autonomie des sanctions financières précédera celui des limites impératives inhérentes à la mise en œuvre de leur cumul effectif.

I. L’affirmation du cumul des sanctions pour manquements hétérogènes

A. L’autonomie des régimes de réduction selon la nature de la faute La Cour souligne que la réglementation prévoit des mécanismes distincts selon que le manquement résulte d’une simple négligence ou d’une volonté délibérée de l’exploitant agricole. Elle relève qu’« aucun de ces articles ne saurait, à lui seul, couvrir une situation » incluant des faits de nature intentionnelle commis parallèlement à des fautes de négligence. Le juge refuse d’absorber la sanction de l’acte intentionnel dans le plafond de réduction prévu pour les comportements purement négligents identifiés par les autorités nationales de contrôle. Cette distinction fondamentale permet d’ajuster la réponse financière à la gravité réelle du comportement adopté par le bénéficiaire des aides publiques lors de la campagne concernée.

B. La consolidation par domaine des infractions de même nature L’article 70 du règlement n o 1122/2009 impose de considérer que « plusieurs cas de non-conformité constatés au regard de différents actes ou normes relevant d’un même domaine constituent un unique cas ». La juridiction précise que cette fiction juridique s’applique de manière autonome pour chaque catégorie de faute identifiée par les inspecteurs lors des vérifications sur l’exploitation. Les manquements par négligence dans le domaine de la protection animale forment une première unité de calcul soumise à des pourcentages de réduction spécifiques et plafonnés. Les actes intentionnels relevés dans ce même domaine constituent une seconde unité de réduction dont le taux doit s’ajouter au premier pourcentage déterminé par l’organisme payeur national.

II. La préservation de l’efficacité et de la proportionnalité du régime de conditionnalité

A. L’effet utile des sanctions face au risque de nivellement par le bas Restreindre la réduction totale à 15 % en présence d’un acte intentionnel reviendrait à « priver l’article 72 du règlement n o 1122/2009 de son effet utile ». Une telle lecture favoriserait l’impunité des comportements les plus graves dès lors que des négligences mineures auraient déjà permis d’atteindre le plafond de sanction réglementaire. Le juge rappelle que la promotion du respect des règles de conditionnalité constitue l’objectif central de la législation européenne relative aux régimes de soutien en faveur des agriculteurs. L’autorité administrative doit donc additionner les pourcentages pour refléter l’étendue des manquements constatés et assurer le caractère effectivement dissuasif des réductions opérées sur les aides.

B. L’encadrement du cumul par le plafond global et la proportionnalité Le cumul des réductions n’est pas illimité puisque le montant total ne peut en tout état de cause être supérieur au montant global des paiements octroyés pour l’année. La Cour exige que « le montant total des réductions pour une année civile soit fixé dans le respect du principe de proportionnalité » par les instances de contrôle compétentes. Ce garde-fou juridique prévient l’application de sanctions manifestement excessives tout en permettant une répression ferme des violations multiples constatées dans le cadre de l’activité de production. L’équilibre ainsi préservé entre sévérité et mesure garantit la pleine validité du système de conditionnalité au regard des principes généraux du droit de l’Union européenne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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