La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 juin 2018, une décision fondamentale relative au financement de la politique agricole commune. Cet arrêt précise les modalités de réduction des aides en cas de non-respect des règles de conditionnalité liées à la protection animale. Un éleveur de bétail a sollicité des paiements directs au titre de l’année 2011 pour les besoins de son exploitation professionnelle. Des contrôles ont révélé dix infractions distinctes aux obligations réglementaires concernant spécifiquement le traitement des veaux au sein de la structure. L’autorité administrative a fixé une réduction totale des aides de 55 % par une décision prise en date du 18 septembre 2014. Cette sanction comprenait une part de 15 % pour négligence caractérisée et une part de 40 % en raison d’un manquement intentionnel. Les ayants droit du producteur ont contesté ce cumul devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven par un recours du 20 décembre 2016. La juridiction de renvoi s’interroge sur la possibilité d’additionner les réductions résultant de négligences répétées et d’actes délibérés dans un même domaine. Le problème de droit consiste à déterminer si les articles 70 à 72 du règlement n° 1122/2009 autorisent le cumul des sanctions. La Cour juge que les autorités nationales doivent additionner les réductions applicables pour chaque type de non-conformité constaté chez l’agriculteur.
I. La reconnaissance du cumul des sanctions pour manquements distincts
A. L’autonomie des régimes de réduction selon la nature du manquement
Le droit européen distingue clairement les conséquences juridiques de la négligence et celles résultant d’un acte délibéré de l’agriculteur bénéficiaire. L’article 71 du règlement n° 1122/2009 régit spécifiquement les réductions applicables en cas de simple négligence constatée lors des contrôles. L’article 72 du même texte fixe les sanctions pour non-conformité intentionnelle avec un taux minimal de réduction de 20 %. La Cour souligne qu’aucun de ces articles ne saurait « couvrir à lui seul une situation comprenant des cas de non-conformité intentionnelle conjointement avec des cas de négligence ». Cette distinction textuelle impose une analyse séparée de chaque comportement fautif pour déterminer la sanction globale appropriée à l’espèce. Dès lors, le cumul des taux de réduction s’impose comme la solution garantissant la pleine application des textes.
B. La nécessaire addition des taux de réduction constatés
Le juge européen rejette une interprétation restrictive qui limiterait la réduction totale au plafond prévu pour les seuls cas de négligence. L’application exclusive de l’article 71 priverait de son effet utile le régime plus sévère réservé aux comportements intentionnels des exploitants. La Cour affirme qu’il convient d’établir le pourcentage pour la négligence et « parallèlement d’établir le pourcentage de cette réduction pour les cas de non-conformité intentionnelle ». L’absence de disposition fusionnant ces deux catégories de fautes oblige les autorités à additionner mathématiquement les deux pourcentages établis. Cette méthode garantit une sanction effective pour chaque acte ou omission directement imputable à l’agriculteur ayant présenté une demande d’aide. Cet impératif de répression s’exerce cependant sous le contrôle étroit des principes généraux de proportionnalité et de plafonnement.
II. L’encadrement du cumul par les principes de proportionnalité et de plafonnement
A. La préservation de l’effet utile des sanctions européennes
La solution retenue par la Cour vise à assurer le respect rigoureux des règles de conditionnalité indispensables au bon fonctionnement des aides. Une interprétation différente serait contraire à l’objectif de promotion de la conformité qui constitue le fondement même du régime des paiements. La réglementation prescrit en principe que « chaque acte et omission aboutit à une réduction du montant total des paiements directs octroyés ». Les juges nationaux doivent tenir compte de la gravité de la situation de non-respect pour maintenir une pression incitative sur les exploitants. La protection des intérêts financiers de l’Union européenne exige une réponse graduée et cumulative face à la diversité des manquements observés. Cette sévérité nécessaire rencontre des limites juridiques infranchissables destinées à protéger la situation économique des exploitants.
B. Les limites impératives à la réduction totale des aides
Le mécanisme d’addition des sanctions ne saurait toutefois conduire à des prélèvements excessifs dépassant les limites fixées par le législateur. Le montant total des réductions pour une année civile doit impérativement respecter le principe de proportionnalité pour demeurer conforme au droit. L’article 24 du règlement n° 73/2009 prévoit que la sanction ne peut être supérieure au « montant total des paiements directs ». Le juge rappelle que l’autorité administrative doit exercer son pouvoir d’appréciation sans franchir ce seuil maximal de désengagement financier. Ce plafonnement protège le bénéficiaire contre des sanctions cumulées qui remettraient en cause la viabilité économique globale de son activité.