Par un arrêt rendu le 9 juillet 2015, la deuxième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne précise les modalités d’exécution d’une décision de récupération. Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’un recours en manquement introduit par une institution contre un État membre suite à l’octroi de subventions illégales. L’entreprise bénéficiaire avait reçu des aides relatives aux retraites des fonctionnaires, déclarées incompatibles avec le marché intérieur dans la mesure de leur caractère disproportionné. Une décision de 2012 imposait alors le recouvrement immédiat des sommes perçues depuis 2003, à l’exception des services soumis à une régulation tarifaire nationale. Un différend est toutefois apparu concernant la délimitation précise des marchés de colis et l’existence d’une position dominante justifiant le maintien du régime. L’État membre refusait d’effectuer une analyse actualisée, préférant s’appuyer sur des actes administratifs nationaux antérieurs à la période de référence fixée par l’institution. Saisie du litige, la juridiction européenne doit déterminer si la mise en œuvre effective de la récupération impose la réalisation d’un examen économique autonome et contemporain. La Cour juge que le refus de procéder à cette analyse constitue un manquement aux obligations découlant du droit de l’Union et de la décision initiale.
I. L’obligation d’un examen autonome du marché pertinent
A. L’insuffisance des actes administratifs nationaux préexistants
L’État membre prétendait que certains services étaient réglementés en se fondant sur des décisions nationales adoptées au cours des années deux mille et deux mille une. Or, la juridiction relève que ces actes « ne permettent pas de déterminer si, au cours de l’ensemble de la période pertinente, le service […] constituait ou non un marché distinct ». La simple présomption de continuité d’une situation juridique antérieure ne suffit pas à garantir la conformité du comportement étatique aux exigences de l’institution. Une telle approche statique ignore les évolutions potentielles de la structure concurrentielle du secteur postal durant la décennie couverte par l’obligation de remboursement.
B. L’exigence de détermination de la position économique réelle de l’opérateur
Pour la Cour, la qualification d’un service comme étant réglementé dépend de la possibilité effective pour l’autorité nationale d’exercer un contrôle sur les tarifs. Dès lors, « la détermination du caractère réglementé ou non […] impliquait de procéder à un examen autonome visant à déterminer la position économique de l’entreprise ». Cet examen doit vérifier si l’opérateur détenait une position dominante, condition essentielle pour justifier le mécanisme de compensation des charges sociales. Le juge européen impose ainsi une démarche proactive afin de cerner avec précision l’avantage concurrentiel dont a bénéficié l’entité économique visée.
II. La primauté de l’effectivité du recouvrement des aides illégales
A. La responsabilité étatique dans la mise en œuvre de la récupération
L’arrêt rappelle avec fermeté que la suppression d’une aide illégale constitue la conséquence logique et nécessaire de la constatation de son incompatibilité. En application du traité, l’État membre est « tenu […] de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision » de récupération. L’objectif demeure l’élimination de la distorsion de concurrence par le recouvrement effectif des sommes qui ont procuré un avantage indu à l’entreprise. Le respect des délais prescrits par l’institution s’avère impératif pour rétablir sans tarder l’équilibre du marché intérieur au sein de l’Union.
B. L’éviction des justifications tirées de l’ordre juridique interne
L’État membre invoquait une impossibilité juridique liée au principe de non-rétroactivité et à la répartition interne des compétences administratives pour justifier son inaction. La Cour écarte ces arguments en soulignant que le droit de l’Union prime systématiquement sur les dispositions, même constitutionnelles, de l’ordre juridique national. Elle précise qu’un État « ne saurait exciper de dispositions de son ordre juridique national […] pour justifier le non-respect des obligations » européennes. Le manquement est donc caractérisé dès lors que les mesures nécessaires à la pleine exécution de la décision n’ont pas été adoptées.