Dans un arrêt rendu le 6 octobre 2015, la septième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne précise le régime de commercialisation des composants automobiles.
Une société établie dans un État membre commercialise des pompes à eau et des filtres à combustible acquis auprès d’entreprises situées dans d’autres pays de l’Union. L’organisme national chargé du contrôle constate, lors d’une inspection en juin 2011, que ces produits ne possèdent aucune réception ou homologation conforme à la réglementation interne. L’autorité administrative inflige une amende par un procès-verbal de sanction daté du 28 juin 2011 en invoquant le non-respect des dispositions relatives à la sécurité routière.
Le tribunal de première instance de Cluj-Napoca accueille la demande d’annulation de cette sanction par un jugement prononcé au cours de l’année 2012. Les juges considèrent que les pièces litigieuses peuvent être assimilées à des produits d’origine ou de qualité équivalente exemptés de la procédure nationale d’homologation. Saisi d’un pourvoi, le tribunal de grande instance de Cluj réforme cette décision et maintient la validité de la sanction administrative. Cette juridiction estime que les documents fournis par le distributeur ne prouvent pas l’homologation effective des produits par l’organisme compétent du pays de commercialisation.
Une demande de révision est introduite devant le tribunal de grande instance de Cluj qui décide d’interroger le juge européen sur la validité de cette législation. La question posée porte sur la compatibilité d’une obligation nationale d’homologation avec la libre circulation des marchandises et les dispositions de la directive 2007/46. La Cour de justice répond que ces normes ne s’opposent pas à une telle réglementation si elle prévoit des exemptions pour les produits légalement commercialisés ailleurs.
I. La validité conditionnelle des procédures nationales d’homologation
A. Le maintien d’un contrôle technique en l’absence de liste européenne
L’article 31 de la directive 2007/46 dispose que les États membres ne permettent la vente de composants essentiels que si une autorité compétente les a préalablement autorisés. Cette exigence de sécurité s’applique aux équipements susceptibles de présenter un risque important pour le bon fonctionnement des systèmes liés à la performance environnementale du véhicule. Toutefois, l’application de cette procédure d’autorisation suppose que les produits concernés figurent sur une liste exhaustive établie par une annexe spécifique de ladite directive.
La Commission n’ayant arrêté aucune liste dans le cadre de cette annexe, les autorités nationales retrouvent une compétence résiduelle pour maintenir leurs propres dispositions techniques. Les États peuvent ainsi soumettre la mise sur le marché de certaines pièces à une réception nationale dans l’attente d’une décision d’inclusion au niveau de l’Union. Cette faculté de maintien des règles internes permet de combler le vide juridique temporaire afin d’assurer la protection constante des usagers de la route.
B. La subordination du contrôle aux exigences de sécurité et de proportionnalité
Toute mesure nationale susceptible d’entraver le commerce au sein de l’Union constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives interdite par le traité. Le juge européen rappelle que « toute mesure d’un État membre susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce doit être considérée comme telle ». Pour être justifiée, une réglementation imposant des contrôles supplémentaires doit relever d’une exigence impérative comme la sécurité routière ou la protection de l’environnement.
L’entrave ainsi créée doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi sans aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour l’atteindre. L’organisme de contrôle doit démontrer que les pièces en cause font peser un risque réel sur le fonctionnement des systèmes essentiels du véhicule automobile. La procédure de réception ne doit pas devenir un obstacle disproportionné lorsque des objectifs légitimes de santé publique ou de sécurité ne sont pas directement menacés.
II. L’articulation de la preuve de conformité avec la libre circulation
A. L’obligation d’exemption pour les produits bénéficiant de la reconnaissance mutuelle
Les produits légalement fabriqués dans un État membre doivent pouvoir être commercialisés dans un autre pays sans subir de contrôles administratifs ou techniques supplémentaires inutiles. La Cour souligne que la réglementation nationale demeure licite « pour autant que cette réglementation prévoie par ailleurs des exceptions de nature à assurer l’exemption des pièces produites ailleurs ». Cette réserve garantit le respect du principe de reconnaissance mutuelle qui constitue le socle fondamental de l’intégration économique au sein du marché intérieur.
Une législation qui imposerait systématiquement une nouvelle homologation nationale pour des produits déjà certifiés dans un autre État membre méconnaîtrait gravement les obligations du traité. Les autorités internes sont tenues de prendre en compte les vérifications déjà effectuées par les organismes compétents des autres pays membres de l’Union européenne. L’exemption doit être effective dès lors qu’il est démontré que les marchandises satisfont à un niveau de sécurité équivalent à celui exigé sur le territoire national.
B. La latitude étatique dans la détermination des modes de preuve admissibles
Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que seuls des certificats émanant du fabricant permettent d’attester la qualité d’origine des composants techniques. Les États membres conservent la liberté de déterminer les moyens de preuve admissibles sous réserve de respecter les principes fondamentaux d’équivalence et d’effectivité juridique. Un document établi par un simple distributeur peut être considéré comme insuffisant pour garantir la traçabilité et la conformité des pièces liées à la sécurité.
La directive 2007/46 prévoit d’ailleurs une présomption de qualité si le fabricant certifie lui-même que les produits correspondent aux standards de production du véhicule original. Cette exigence probatoire stricte vise à prévenir l’introduction sur le marché de contrefaçons ou de pièces défectueuses pouvant causer des accidents graves sur la voie publique. Les modalités de preuve relèvent du droit national tant qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des libertés de circulation.