La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 6 octobre 2016, a statué sur la compatibilité d’une réglementation nationale avec la libre circulation. Cette affaire concerne des fonctionnaires nationaux détachés auprès d’une institution de l’Union européenne pour y exercer des fonctions d’agents temporaires. Les intéressés demeuraient affiliés au régime de retraite de leur État d’origine tout en cotisant obligatoirement au régime de pension de l’Union. L’administration nationale appliquait une règle de plafonnement réduisant la pension nationale à concurrence du montant de la pension acquise lors du détachement. Les requérants ont demandé l’abrogation de cette réglementation mais ont essuyé un refus implicite du Premier ministre de la République française. Le Conseil d’État (France), saisi du litige, a décidé de surseoir à statuer par un arrêt rendu le 8 avril 2015. La juridiction administrative interrogeait le juge européen sur l’interprétation de l’article 45 TFUE face à cette limitation des droits à pension. La Cour répond que le droit de l’Union s’oppose à une perte d’avantages sociaux résultant d’un choix d’affiliation maintenu durant le détachement. L’analyse portera d’abord sur l’identification d’une entrave à la libre circulation avant d’étudier l’incompatibilité de la règle nationale de plafonnement.
I. L’identification d’une entrave à la libre circulation des travailleurs
A. L’applicabilité de la liberté de circulation aux agents de l’Union
La Cour rappelle que les agents travaillant pour une institution européenne ne sauraient se voir refuser le bénéfice des droits liés à l’article 45 TFUE. Cette liberté fondamentale s’applique dès lors qu’un ressortissant accepte un emploi dans une organisation internationale située dans un autre État membre. L’exercice de compétences sociales par les États membres doit impérativement respecter les dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs. La reconnaissance de l’applicabilité du droit de l’Union permet d’apprécier le caractère dissuasif des mesures nationales sur la mobilité des agents.
B. La caractérisation d’un effet dissuasif sur la mobilité professionnelle
Le dispositif national prévoit un mécanisme d’écrêtement empêchant le cumul intégral des pensions acquises au titre des deux régimes de retraite distincts. La Cour juge que cette règle est « susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice » de la liberté garantie par le traité. Elle souligne que le déplacement dans un autre État ne doit pas désavantager le travailleur par rapport à une carrière purement nationale. Le caractère facultatif de l’option ne modifie pas la nature contraignante de la perte d’avantages subie par les agents lors de leur retraite. L’analyse de la sanction frappant ces cotisations démontre désormais l’incompatibilité de la règle nationale de plafonnement.
II. L’incompatibilité de la règle nationale de plafonnement des pensions
A. La sanction des cotisations versées à fonds perdu
L’application des règles de plafonnement conduit le fonctionnaire à verser des « contributions à fonds perdu » durant la période de son détachement effectif. En perdant ses avantages correspondants, le travailleur se trouve pénalisé pour avoir exercé son droit de circulation à l’intérieur de l’Union. La Cour relève que les avantages supprimés représentent pourtant « la contrepartie de cotisations » effectivement versées par l’agent au régime de pension national. Ce traitement différencié crée une inégalité injustifiée entre les fonctionnaires mobiles et ceux effectuant l’intégralité de leur carrière sur le territoire national. La privation de la contrepartie des cotisations versées impose alors de vérifier l’existence éventuelle de justifications d’intérêt général.
B. L’absence de justification impérieuse à l’entrave nationale
L’existence d’une entrave à une liberté fondamentale peut être admise seulement si elle répond à des motifs impérieux d’intérêt général proportionnés. Cependant, la juridiction de renvoi et le gouvernement concerné n’ont invoqué aucune justification susceptible de légitimer la restriction apportée aux droits sociaux. La Cour conclut donc à l’incompatibilité de la réglementation nationale qui prive l’agent des bénéfices de son affiliation au régime de retraite d’origine. Cette décision confirme la primauté de la libre circulation sur les mécanismes budgétaires nationaux limitant les droits acquis par les fonctionnaires détachés.