La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2020, une décision capitale sur sa compétence en politique étrangère. Un établissement financier fit l’objet de mesures restrictives consistant en un gel de fonds par une décision d’une institution européenne. L’intéressé sollicita devant le Tribunal de l’Union européenne l’annulation de ces actes ainsi qu’une réparation pour le préjudice prétendument subi. Le Tribunal rejeta le recours en indemnité pour incompétence, estimant que le traité limite le contrôle juridictionnel à la seule légalité des mesures. L’établissement bancaire forma un pourvoi devant la Cour de justice afin de contester cette exclusion de l’action en responsabilité. Le litige soulève la question de savoir si la compétence de la Cour pour contrôler la légalité des sanctions inclut celle de statuer sur les dommages-intérêts. La Cour affirme sa compétence pour connaître de tels recours, tout en rejetant le pourvoi car l’erreur du premier juge ne modifie pas le dispositif.
I. Affirmation de la compétence juridictionnelle en matière de responsabilité extracontractuelle
A. L’extension du contrôle de légalité à l’indemnisation des préjudices
La Cour précise que le contrôle de la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’égard de personnes morales relève de sa compétence. Cette mission s’exerce par dérogation au principe d’exclusion de la juridiction de l’Union concernant les dispositions relatives à la politique étrangère. Les juges estiment que l’action en indemnité constitue le complément indispensable de l’action en annulation pour assurer une protection juridictionnelle effective. Le juge peut accorder une réparation financière lorsque l’illégalité d’une sanction a causé un dommage direct à l’entité visée.
B. L’interprétation téléologique du système de protection juridictionnelle
L’arrêt souligne que les traités visent à instaurer un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier le contrôle de légalité. Une interprétation restrictive de la compétence juridictionnelle en la matière risquerait de laisser des particuliers sans défense face à des actes administratifs individuels illégaux. La Cour affirme que « l’existence d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect des dispositions du droit de l’Union est inhérente à l’existence d’un État de droit ». Le respect des droits fondamentaux impose donc que toute violation constatée puisse donner lieu à une réparation adéquate devant un juge indépendant.
II. Consolidation de l’État de droit dans le domaine de la politique étrangère
A. La levée partielle de l’immunité juridictionnelle des actes de politique étrangère
La décision restreint le champ de l’immunité juridictionnelle dont bénéficient traditionnellement les actes adoptés dans le cadre de la sécurité extérieure. Bien que la politique étrangère reste largement politique, les actes touchant aux intérêts individuels des personnes privées sortent de cette zone d’ombre. La juridiction européenne valide sa capacité à sanctionner les excès de pouvoir ou les erreurs manifestes d’appréciation commises par les organes exécutifs. Cette évolution jurisprudentielle témoigne d’une volonté de normaliser le contentieux des sanctions internationales au regard des standards du droit administratif commun.
B. L’uniformisation du régime de protection des droits fondamentaux
L’arrêt confirme l’alignement de la protection des administrés dans le domaine de la politique étrangère sur les autres politiques de l’Union. La cohérence du système juridique européen exige que la responsabilité des institutions puisse être engagée quelle que soit la base juridique de l’acte litigieux. L’accès au juge pour obtenir réparation devient une garantie transversale protégeant l’individu contre l’arbitraire ou les dysfonctionnements de la puissance publique européenne. Le droit à un recours effectif se trouve ainsi renforcé, assurant que l’Union demeure une communauté de droit soumise au contrôle de ses propres tribunaux.