Cour de justice de l’Union européenne, le 6 octobre 2020, n°C-443/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2020, une décision essentielle relative à l’interprétation de la directive concernant l’autorisation des réseaux. Un opérateur de communications électroniques s’est vu attribuer plusieurs concessions d’utilisation privative du domaine public radioélectrique pour une bande de fréquences spécifique sur le territoire espagnol. En application de la législation nationale, cette entreprise a dû acquitter une taxe sectorielle sur la réservation des fréquences ainsi qu’un impôt général sur les transmissions. L’opérateur a sollicité le remboursement de ce second prélèvement en invoquant une double imposition incompatible avec les exigences impératives du droit de l’Union européenne. Le Tribunal supérieur de justice du Pays basque, saisi du litige en appel, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction de Luxembourg. La question posée visait à déterminer si un État membre peut cumuler une taxe spécifique et un impôt général sur les concessions lors de l’attribution de fréquences. La Cour répond que ce cumul est autorisé sous réserve que le montant global perçu demeure strictement proportionné à la valeur de la ressource rare utilisée.

I. L’application des critères matériels de la directive autorisation

A. La primauté des caractéristiques objectives sur la qualification textuelle

Le juge de l’Union européenne rappelle d’abord que les États membres ne peuvent percevoir d’autres taxes que celles limitativement prévues par la directive de 2002. L’administration fiscale espagnole soutenait que le prélèvement contesté constituait un impôt de portée générale et non une redevance sectorielle soumise aux conditions de l’article 13. Pour écarter cet argument technique, la Cour affirme que « la juridiction de renvoi ne saurait être liée par la qualification de ce dernier en vertu du droit national ». Elle impose une analyse concrète fondée sur les caractéristiques réelles de la charge financière plutôt que sur son appellation formelle dans l’ordre juridique interne. Cette approche fonctionnelle garantit l’effet utile du droit de l’Union en empêchant les autorités nationales de contourner les limites européennes par de simples dénominations fiscales.

B. L’identification du fait générateur lié aux droits d’utilisation

La décision précise qu’un prélèvement applicable à tous les opérateurs économiques peut néanmoins relever de la directive si son fait générateur concerne l’accès aux ressources. La juridiction relève que le défaut de paiement de cet impôt sur les transmissions constituait un motif de révocation du titre autorisant l’usage des fréquences radioélectriques. Elle en déduit que « le paiement de l’impôt sur les transmissions patrimoniales constitue une condition préalable à l’obtention du droit d’utiliser des radiofréquences ». Dès lors que la taxe est perçue en contrepartie directe de l’octroi d’un droit d’usage, elle doit respecter les exigences de fond posées par l’article 13. L’analyse du lien de causalité entre la charge pécuniaire et la concession administrative permet ainsi d’unifier le régime juridique applicable aux diverses contributions financières.

II. L’encadrement rigoureux du cumul des prélèvements étatiques

A. La reconnaissance de la validité d’une double imposition

La Cour de justice confirme que le droit de l’Union « n’exclut pas un cumul de plusieurs redevances » visant à favoriser l’utilisation optimale des radiofréquences disponibles. Cette solution prolonge une jurisprudence établie qui autorise la superposition de charges si elles poursuivent collectivement les objectifs de régulation du marché des communications. Le fait que l’une des taxes soit régie par une réglementation non spécifique au secteur des télécommunications ne constitue pas un obstacle juridique en soi. Les États membres conservent une autonomie fiscale pour organiser leurs prélèvements, tant que ces derniers ne compromettent pas le déploiement des services de réseaux innovants. La validité du cumul repose donc sur la complémentarité des objectifs poursuivis par les différentes contributions imposées aux entreprises titulaires de droits d’utilisation exclusive.

B. La subordination du prélèvement au respect de la proportionnalité

La solution finale demeure toutefois strictement conditionnée par le respect du principe de proportionnalité au regard de la valeur économique réelle de la ressource rare. Les redevances cumulées doivent être « objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l’usage auquel elles sont destinées » conformément aux textes européens. Le montant global perçu par l’État doit refléter la situation économique du marché concerné sans constituer un frein injustifié à la libre concurrence entre les opérateurs. Le juge national est invité à vérifier que la charge fiscale totale n’excède pas ce qui est nécessaire pour assurer une exploitation efficace du domaine public. Cette exigence de mesure protège l’équilibre financier des exploitants tout en permettant à la collectivité de capter une part légitime de la rente domaniale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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