Cour de justice de l’Union européenne, le 6 octobre 2021, n°C-35/20

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 6 octobre 2021, se prononce sur les formalités liées à la circulation transfrontalière. Un citoyen a voyagé par mer entre deux États membres sans son passeport valide, bien qu’il fût titulaire d’un tel document officiel. L’intéressé a prouvé son identité grâce à son permis de conduire lors d’un contrôle effectué à son retour dans son État d’origine.

Le tribunal de première instance de Helsinki, le 5 décembre 2016, a reconnu l’existence d’une infraction mais n’a prononcé aucune sanction pécuniaire. La Cour d’appel de Helsinki a infirmé ce jugement le 15 juin 2018 en estimant que l’infraction mineure n’était pas caractérisée. La Cour suprême nationale interroge alors le juge européen sur la compatibilité de l’obligation de détention d’un titre avec le droit de l’Union.

Le litige soulève la question de savoir si un État peut sanctionner pénalement ses ressortissants pour le défaut de port d’un passeport. Le juge européen admet cette exigence formelle tout en censurant le caractère excessif des modalités de calcul de l’amende pénale. L’étude de cet arrêt commande d’envisager la légitimité de l’obligation documentaire avant d’analyser les limites imposées au pouvoir répressif des États membres.

I. La validité de l’exigence d’un document de voyage pour franchir les frontières

L’exigence de présentation d’un titre de voyage lors du franchissement d’une frontière intérieure constitue une condition formelle d’exercice de la libre circulation.

A. Le fondement textuel de l’obligation de port d’un document d’identité

L’article 4 de la directive 2004/38 prévoit que tout citoyen muni d’une carte d’identité ou d’un passeport peut quitter son territoire national. La Cour précise que « l’exercice, par les ressortissants d’un État membre, de leur droit de se rendre dans un autre État membre est soumis à cette condition ». Cette formalité administrative ne constitue pas une entrave mais vise à faciliter l’identification rapide des bénéficiaires du droit à la libre circulation. Par conséquent, l’obligation imposée par la loi nationale de détenir un titre en cours de validité participe directement à la mise en œuvre du droit européen.

B. L’extension de l’obligation au retour dans l’État de nationalité

L’obligation documentaire s’applique également lorsque le citoyen regagne son État d’origine après avoir exercé son droit de circuler sur le territoire de l’Union. Le juge souligne que « l’entrée d’un citoyen de l’Union sur le territoire de l’État membre dont il est ressortissant ne relève pas de la directive ». Toutefois, l’article 21 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne demeure applicable dès lors qu’un mouvement transfrontalier préalable a été effectué. La traversée d’une zone maritime internationale par un navire de plaisance justifie d’ailleurs la vérification de l’identité des personnes présentes à bord. Cette exigence n’est pas onéreuse pour le citoyen et permet aux autorités nationales d’uniformiser les contrôles d’identité autorisés par le code Schengen. La légalité de cette obligation formelle étant établie, il convient désormais d’examiner si le régime de sanction associé respecte les principes de proportionnalité.

II. Le contrôle de la proportionnalité des sanctions pénales nationales

Si les États membres conservent la compétence pour sanctionner les violations des formalités administratives, ce pouvoir est strictement encadré par le droit primaire.

A. Le maintien de la compétence répressive des États membres sous condition

En l’absence d’harmonisation, chaque État peut déterminer le régime des sanctions applicable aux méconnaissances des dispositions nationales prises pour l’application de la directive. Les juridictions nationales doivent toutefois veiller au respect de l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux relatif à la proportionnalité des peines. La Cour de justice rappelle que l’intensité des sanctions ne doit jamais excéder ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de sécurité publique. Une mesure répressive demeure légitime uniquement si elle présente un caractère dissuasif sans porter une atteinte excessive à la liberté de circulation.

B. La sanction de la disproportion manifeste de l’amende fondée sur le revenu

Le juge européen censure un système de calcul aboutissant à une amende représentant un pourcentage trop élevé des ressources mensuelles du contrevenant. Il estime qu’une amende de vingt pour cent du revenu net pour un simple oubli de document « n’est pas proportionnée à la gravité de l’infraction ». La négligence d’un citoyen titulaire d’un titre valide mais absent lors du contrôle constitue une violation de faible gravité de la réglementation nationale. En l’espèce, le montant théorique de la sanction pouvait atteindre des sommes astronomiques sans qu’un plafond ne vienne limiter la rigueur de la peine. Le respect des formalités pourrait être assuré par des mesures moins restrictives comme la fixation d’amendes forfaitaires ou l’institution d’un plafond légal.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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