La Cour de justice de l’Union européenne, le 6 septembre 2012, précise les modalités de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour les sociétés holdings. Un litige oppose une société de gestion de participations sociales à l’administration fiscale nationale concernant le montant de la taxe déductible sur des services de consultants. La société holding avait acquis des prestations de conseil avant de les facturer intégralement à ses filiales en y appliquant la taxe sur la valeur ajoutée. L’administration fiscale a toutefois considéré que l’activité de gestion des parts sociales, non soumise à la taxe, imposait l’application d’un prorata de déduction limité. Le Tribunal administratif et fiscal de Lisbonne a rejeté le recours de la société en considérant les prestations techniques comme indissociables de la gestion des titres. La société requérante conteste cette décision devant le Tribunal Central Administrativo Sud en invoquant la violation de l’article 17 de la sixième directive. La juridiction d’appel interroge la Cour sur la possibilité d’imposer une méthode de déduction forfaitaire pour des intrants ayant un lien direct avec des opérations taxées. La Cour répond qu’un holding est autorisé à déduire l’intégralité de la taxe si les services acquis présentent un lien direct et immédiat avec des opérations imposables. Le juge affirme que « le droit à déduction ne peut être limité au seul motif que la réglementation nationale qualifie les opérations taxées d’accessoires ». L’affirmation du droit à déduction repose sur l’immixtion caractérisée du holding dans la gestion de ses filiales tout en encadrant strictement les modalités de calcul de la taxe.
I. Affirmation du droit à déduction lié à l’immixtion dans la gestion
A. La qualité d’assujetti du holding prestataire de services La Cour rappelle que la simple détention de parts sociales ne constitue pas une activité économique au sens de la sixième directive sur la taxe sur la valeur ajoutée. Le juge souligne que l’éventuel dividende résulte de la simple propriété du bien et ne confère pas à l’entité la qualité d’assujetti pour cette activité spécifique. La situation change radicalement lorsque le holding s’immisce directement ou indirectement dans la gestion des sociétés dans lesquelles il a pris des participations financières. Cette immixtion suppose la fourniture de services administratifs, financiers ou techniques facturés aux filiales en échange d’une rémunération constituant la base d’imposition de la taxe. En l’espèce, la réalisation de prestations techniques facturées permet à l’entreprise de prétendre au bénéfice du droit à déduction prévu par la réglementation européenne en vigueur. Cette reconnaissance de l’activité économique protège la neutralité fiscale de l’assujetti qui agit comme un collecteur d’impôt pour le compte de l’administration sans supporter le coût.
B. La prééminence du lien direct et immédiat sur la qualification d’activité accessoire Le droit à déduction s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont selon une jurisprudence constante de la Cour de justice. Les juges affirment que « le but ultime poursuivi par l’assujetti est indifférent » dès lors que les biens ou les services acquis présentent un lien suffisant. La décision précise que « ce droit à déduction ne peut être limité au seul motif que la réglementation nationale qualifie les opérations taxées d’accessoires à leur activité principale ». L’administration ne peut donc pas écarter la méthode de l’affectation réelle au seul prétexte que l’objet social premier consiste en la gestion de titres exonérés. L’existence d’un lien direct et immédiat avec une opération en aval ouvrant droit à déduction suffit à justifier la récupération intégrale de la taxe acquittée. Cette solution garantit que la charge fiscale pèse uniquement sur le consommateur final et non sur les étapes intermédiaires de la production ou des services.
II. Détermination rigoureuse des modalités de déduction selon l’usage des intrants
A. L’exclusion du prorata de droit commun pour les intrants à affectation réelle Le recours au prorata de déduction prévu par l’article 17 paragraphe 5 de la directive ne concerne que les biens et les services dont l’usage est mixte. La Cour écarte l’application systématique de cette fraction lorsque l’assujetti utilise les services acquis uniquement pour effectuer des opérations économiques ouvrant droit à la déduction intégrale. Elle précise que « les biens et les services qui sont utilisés par l’assujetti uniquement pour effectuer des opérations économiques ouvrant droit à déduction n’entrent pas dans le champ d’application ». Le juge national doit donc vérifier si les prestations de conseil acquises par le holding ont été entièrement répercutées dans le prix des services facturés aux filiales. Une affectation réelle et exclusive à une activité taxée interdit à l’administration fiscale d’imposer une limitation forfaitaire du droit à déduction par l’usage d’un prorata. La neutralité du système commun impose une correspondance exacte entre la charge supportée en amont et la taxe collectée lors de la réalisation des prestations aval.
B. Le pouvoir d’appréciation encadré des États membres pour les dépenses mixtes Lorsque les dépenses se rapportent simultanément à des activités économiques et non économiques, les modalités de ventilation relèvent du pouvoir d’appréciation des différents États membres de l’Union. Les autorités nationales doivent toutefois « prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités ». La Cour insiste sur la nécessité de tenir compte de la finalité et de l’économie de la directive pour éviter toute distorsion majeure dans l’imposition. La juridiction de renvoi doit identifier si les services sont utilisés pour des opérations taxées, des opérations exonérées ou des activités situées hors du champ d’application. Cette distinction rigoureuse permet d’appliquer la règle de déduction la plus adaptée tout en évitant les enrichissements sans cause ou les charges fiscales indues pour l’entreprise. Le respect de ces principes assure une application uniforme du droit de l’Union européenne sur l’ensemble des territoires nationaux malgré la diversité des structures sociales.