La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 septembre 2018, traite de la classification tarifaire des produits de l’industrie agroalimentaire. Une société importe sur le territoire de l’Union des plats de nouilles instantanées composés d’un bloc de pâtes précuites, frites et emballées à l’état sec. L’administration douanière conteste le classement initial et fixe les droits de douane sur le fondement d’une catégorie relative aux préparations pour soupes et bouillons. L’importateur forme une réclamation en soutenant que les produits relèvent des pâtes alimentaires autres que séchées, tandis que les douanes retiennent finalement la catégorie séchée. Saisi du litige, le Tribunal des finances de Hambourg décide de surseoir à statuer afin d’interroger la Cour sur la portée du terme « séchées ». La question préjudicielle vise à déterminer si des nouilles frites peuvent être qualifiées de séchées au sens de la sous-position 1902 30 10 de la nomenclature. La juridiction européenne répond que les nouilles précuites et frites relèvent de cette catégorie dès lors qu’elles sont conditionnées sous une forme sèche et cassante. L’explication des critères de qualification retenus par le juge précédera l’étude des conséquences de cette solution sur la prévisibilité du droit douanier.
I. L’indifférence du procédé de déshydratation dans la qualification de produit séché
A. L’interprétation fonctionnelle et littérale du terme « séché »
La Cour privilégie le sens habituel du langage courant pour définir les termes ne faisant l’objet d’aucune définition précise dans le droit de l’Union. Elle considère que le terme « séchées » signifie simplement « rendre sec » ou « devenir sec », sans considération pour le mécanisme physique ou chimique mis en œuvre. « N’est pas déterminant, à cet égard, le procédé par lequel cet état a été atteint », dès lors que l’humidité est extraite du produit final. Cette lecture pragmatique permet d’inclure la friture parmi les méthodes de déshydratation valables pour le classement des pâtes alimentaires au sein de la nomenclature.
B. La cohérence systémique de la nomenclature combinée
L’économie générale de la position 1902 impose de distinguer les pâtes non cuites de celles qui ont subi une préparation ou une cuisson préalable. La sous-position résiduelle 1902 30 vise nécessairement des produits cuits ou préparés qui ne sont pas farcis, ce qui correspond exactement aux marchandises en cause. La Cour rejette ainsi l’idée qu’un procédé de cuisson comme la friture exclurait le produit de la catégorie des pâtes simplement qualifiées de « séchées ». L’analyse textuelle confirme que l’état physique du produit au moment de son importation prime sur la complexité des réactions chimiques intervenues lors de sa fabrication.
La reconnaissance de l’état final du produit comme critère prépondérant garantit une stabilité nécessaire à l’activité des opérateurs du commerce international.
II. La primauté de la sécurité juridique dans le classement tarifaire
A. Le rejet des critères fondés sur la chimie alimentaire
La juridiction refuse de limiter la portée de la règle aux seuls procédés de conservation n’entraînant aucune modification substantielle de la structure de l’aliment. Une interprétation restrictive fondée sur la chimie alimentaire créerait une instabilité juridique préjudiciable aux opérateurs économiques ainsi qu’aux administrations nationales de contrôle douanier. La Cour écarte l’argument selon lequel le séchage devrait être distingué de la friture en raison de la complexité des réactions chimiques propres à cette dernière. Elle privilégie une approche basée sur les caractéristiques et propriétés objectives des marchandises, lesquelles demeurent plus facilement identifiables lors des vérifications matérielles aux frontières.
B. L’impératif de simplification des contrôles techniques
L’arrêt souligne l’importance de faciliter les opérations de vérification afin de garantir une application uniforme du tarif douanier commun sur tout le territoire européen. Le recours à des critères simples comme l’état sec du produit permet d’éviter des expertises techniques coûteuses et incertaines sur les modes de production industrielle. Cette solution assure une prévisibilité indispensable pour les importateurs qui peuvent ainsi déterminer avec certitude la charge fiscale afférente à leurs opérations de commerce. La décision confirme enfin que les notes explicatives, bien que dépourvues de force obligatoire, constituent des outils précieux pour guider l’interprétation des positions tarifaires.