Cour de justice de l’Union européenne, le 7 août 2018, n°C-120/17

La Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur la transmissibilité successorale des aides à la préretraite prévues par le droit communautaire. Un exploitant agricole percevait une aide avant son décès, laquelle fut réclamée par ses héritiers conformément à la législation nationale alors en vigueur. Cette réglementation interne avait pourtant reçu l’approbation de l’institution européenne lors de sa mise en œuvre initiale au sein de l’État membre. L’autorité nationale a néanmoins refusé le versement en s’appuyant sur une décision ultérieure d’un comité technique de l’administration européenne. La juridiction de renvoi demande si le droit de l’Union permet cette transmission et si la confiance des héritiers doit être protégée. Le juge européen écarte la possibilité d’une transmission successorale tout en validant le maintien de la confiance légitime au profit des ayants droit.

I. L’incompatibilité de la transmission successorale avec le cadre réglementaire européen

A. Une interprétation stricte du règlement (CE) n° 1257/1999

L’article 10 du règlement (CE) n° 1257/1999 définit les conditions d’éligibilité au soutien au développement rural pour les agriculteurs cessant leur activité. La Cour juge que ces textes « s’opposent à ce que les États membres adoptent des mesures permettant la transmission par voie successorale ». L’aide présente un caractère personnel et temporaire dont l’objectif principal demeure l’amélioration de la viabilité des exploitations par le départ des anciens.

B. L’éviction des dérogations nationales non conformes

La décision souligne que les États membres ne peuvent s’écarter des conditions d’octroi fixées par la réglementation de l’Union sans base légale. Une « norme nationale qui prévoyait la transmission par voie successorale » méconnaît ainsi la finalité économique du fonds européen d’orientation et de garantie agricole. Cette solution garantit une application uniforme de la politique agricole commune et préserve l’équilibre financier des dispositifs de soutien aux exploitants actifs. Bien que l’aide soit incessible par principe, la conduite des autorités communautaires impose toutefois de tempérer cette rigueur.

II. La sauvegarde des espérances fondées par le principe de confiance légitime

A. La naissance d’une confiance légitime par l’approbation institutionnelle

La Cour examine si l’approbation de la loi nationale par les instances européennes a créé une attente raisonnable pour les citoyens concernés. Elle affirme que cette norme « a fait naître une confiance légitime à l’égard des héritiers des exploitants » ayant bénéficié de ce soutien. La validation explicite d’un dispositif national par l’institution compétente constitue un acte positif de nature à stabiliser la situation juridique des administrés.

B. L’insuffisance d’un acte administratif pour interrompre la confiance

Un changement de position de l’administration ne peut produire d’effets rétroactifs s’il ne respecte pas les formes de publicité requises envers le public. La Cour considère qu’une conclusion mentionnée dans un procès-verbal « n’a pas mis fin à cette confiance légitime » pour les ayants droit. La protection des droits subjectifs prévaut finalement sur la stricte légalité afin de garantir la sécurité juridique indispensable au bon fonctionnement de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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