La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt important le 27 octobre 2016 relatif au commerce des médicaments vétérinaires. Plusieurs éleveurs ont acheté des produits de santé animale en Espagne sans posséder les autorisations normalement exigées par la réglementation française. Le tribunal correctionnel de Bayonne a condamné ces exploitants pour importation sans certificat par un jugement rendu le 10 décembre 2013. La cour d’appel de Pau, saisie du recours, a décidé de poser plusieurs questions préjudicielles à la juridiction européenne. Le litige porte sur la compatibilité d’une législation réservant les importations parallèles aux grossistes avec le principe de libre circulation. La Cour considère que cette restriction nationale est disproportionnée dès lors qu’elle s’applique à des utilisateurs finaux important pour leurs besoins propres.
I. L’entrave injustifiée à l’accès au marché des médicaments vétérinaires
A. La caractérisation d’une restriction à la libre circulation des marchandises Toute mesure nationale susceptible d’entraver directement ou indirectement le commerce au sein de l’Union constitue une mesure d’effet équivalent prohibée. La réglementation française exige l’obtention d’une autorisation de distribution en gros pour bénéficier d’un accès aux importations parallèles de médicaments. Cette contrainte est « susceptible d’entraver l’accès au marché national concerné d’un médicament vétérinaire légalement commercialisé dans l’État membre de provenance ». L’imposition de critères techniques rigoureux aux éleveurs limite artificiellement la concurrence et renchérit le coût des soins apportés aux animaux. Le juge européen qualifie cette barrière de mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l’article 34 du traité. La liberté des échanges impose la suppression des obstacles administratifs qui ne sont pas strictement indispensables à l’intérêt général.
B. La disproportion des exigences imposées aux éleveurs importateurs L’État peut justifier une restriction par des raisons de protection de la santé humaine et animale conformément à l’article 36 du traité. Cependant, les obligations de détenir un personnel technique et des locaux adaptés concernent spécifiquement la distribution commerciale vers des tiers. Or, dans le cadre de leurs activités agricoles, les éleveurs « n’exercent aucune distribution en gros des médicaments vétérinaires qu’ils importent ». Imposer des contraintes réglementaires conçues pour des grossistes à des simples utilisateurs finaux « va au-delà de ce qui est nécessaire ». La protection sanitaire ne saurait servir de prétexte à une fermeture hermétique du marché national au détriment des acteurs économiques. Une procédure simplifiée d’autorisation permettrait d’assurer la sécurité des produits sans pour autant exclure les professionnels du monde agricole.
II. Le maintien des garanties de sécurité et de vigilance sanitaire
A. La validité de l’obligation d’établissement sur le territoire national L’exigence de disposer d’un établissement dans l’État de destination des marchandises importées ne constitue pas nécessairement une entrave à la liberté. La Cour relève que cette obligation n’impose aux éleveurs « aucune condition qu’ils ne remplissent déjà » dans le cadre de leur exploitation. Possédant par nature une structure fixe sur le territoire, les exploitants agricoles satisfont spontanément à ce critère de localisation géographique. Cette mesure ne modifie pas les conditions d’accès au marché et échappe donc à la qualification de restriction quantitative prohibée. L’administration conserve ainsi la possibilité de contrôler physiquement les lieux de stockage et les conditions d’utilisation des produits vétérinaires. Cette solution équilibre la liberté économique et la nécessité pour l’État d’exercer une surveillance administrative efficace sur son territoire.
B. La soumission impérative aux responsabilités liées à la pharmacovigilance La libre circulation des marchandises n’exonère pas les importateurs du respect des règles strictes visant à garantir la sécurité publique. Les éleveurs qui pratiquent l’importation parallèle « sont les titulaires des AMM de ces médicaments et les responsables de leur mise sur le marché ». Ils doivent par conséquent assumer l’ensemble des obligations de pharmacovigilance prévues par les textes européens pour prévenir tout risque sanitaire. Le droit national se borne ici à se conformer aux prescriptions de la directive européenne instituant un code communautaire vétérinaire. Cette soumission garantit la traçabilité des produits et la remontée d’informations en cas de survenance d’effets indésirables sur l’animal ou l’homme. La responsabilité juridique de l’importateur constitue le socle indispensable d’un système de santé animale intégré et sécurisé au sein de l’Union.