La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 septembre 2012, un arrêt majeur concernant la culture d’organismes génétiquement modifiés. Un exploitant agricole contestait une réglementation régionale interdisant la culture de variétés de maïs autorisées au niveau européen sur le territoire d’une région. Le juge national a alors interrogé la Cour sur la compatibilité d’une telle mesure d’interdiction avec les dispositions de la directive 2001/18/CE. La problématique juridique repose sur la faculté pour les autorités locales d’exclure ces cultures pour garantir la coexistence des différentes filières agricoles existantes. La Cour juge qu’une mesure d’interdiction régionale est licite si elle s’avère nécessaire pour assurer le libre choix des producteurs et des consommateurs. La licéité de l’interdiction régionale dépend ainsi du respect des objectifs de coexistence (I) et dispense le juge d’un examen au titre de la libre circulation (II).
I. La validité conditionnelle des interdictions régionales de culture d’organismes génétiquement modifiés
A. La protection de la liberté de choix des producteurs et des consommateurs L’article 26 bis de la directive permet aux États de prendre des mesures évitant la présence accidentelle d’organismes modifiés dans d’autres produits. Cette faculté vise à « garantir aux producteurs et aux consommateurs le choix entre des produits issus de cultures génétiquement modifiées et des produits biologiques ». La préservation de cette diversité constitue l’objectif central justifiant une atteinte potentielle à la libre circulation des semences autorisées au sein de l’Union. Le juge lie la légalité de la mesure nationale à la réalité de cet objectif de protection des filières conventionnelles sur le territoire. L’interdiction doit effectivement permettre aux acteurs économiques d’exercer leur activité conformément à leurs orientations techniques et commerciales sans subir de contaminations fortuites.
B. L’impératif de proportionnalité au regard des particularités locales du territoire L’instauration d’une zone d’exclusion totale doit répondre à des nécessités impérieuses découlant des caractéristiques agronomiques précises de la région géographique concernée par l’acte. La Cour exige que la mesure soit « nécessaire pour atteindre cet objectif et proportionnée à celui-ci » au regard des spécificités des cultures locales. Cette condition impose une analyse technique approfondie démontrant que des mesures de gestion moins restrictives ne suffiraient pas à empêcher les mélanges accidentels. Les autorités doivent prouver que les particularités parcellaires ou climatiques rendent impossible une coexistence par de simples distances de sécurité entre les champs. La proportionnalité s’apprécie par l’adéquation entre la rigueur de l’interdiction et l’exigence de protection des cultures biologiques ou conventionnelles environnantes.
II. L’économie du contrôle de validité au regard du droit primaire
A. L’autosuffisance de la directive spéciale face aux libertés de circulation La Cour précise qu’une mesure conforme à la directive spéciale n’a pas à être vérifiée de manière distincte au regard du droit primaire. Il n’est pas nécessaire de contrôler si cette interdiction respecte les articles 34 à 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cette solution consacre l’autonomie du régime de la directive 2001/18/CE pour régir les problématiques de coexistence des cultures au sein du marché. L’harmonisation opérée par le législateur européen est présumée intégrer les exigences relatives à la libre circulation des marchandises dans ce secteur technique. L’analyse juridique se concentre exclusivement sur les critères posés par le texte spécial sans recourir aux principes généraux d’interdiction des restrictions quantitatives.
B. La portée de la validation des mesures de coexistence sur le marché intérieur Cette interprétation renforce le pouvoir de régulation locale tout en maintenant un cadre juridique uniforme pour l’ensemble des États membres de l’Union. La décision permet de sécuriser les politiques régionales de protection de l’environnement et de l’agriculture biologique contre les recours fondés sur l’entrave commerciale. Une telle solution favorise une gestion décentralisée des risques de dissémination accidentelle en tenant compte des réalités physiques et sociales de chaque territoire européen. La portée de cet arrêt réside dans la reconnaissance d’un droit à la différence territoriale pour les modes de production agricole les plus sensibles. Le marché intérieur accepte l’existence de zones d’exclusion dès lors que la protection du libre choix des citoyens européens est en cause.