Cour de justice de l’Union européenne, le 7 juin 2012, n°C-106/11

La Cour de justice de l’Union européenne, saisie par le Hoge Raad der Nederlanden le 11 février 2011, statue sur l’application spatiale des régimes de sécurité sociale. Un travailleur possédant la nationalité d’un État membre réside sur le territoire d’un autre État tout en exerçant son activité pour un employeur national. Ce salarié réalise ses missions à bord de navires dragueurs immatriculés dans son pays d’origine mais opérant exclusivement dans des eaux territoriales de pays tiers. L’administration fiscale a imposé ce travailleur au titre des cotisations sociales obligatoires malgré l’absence de résidence physique ou d’activité exercée sur le sol national. Les juridictions de fond ont validé cet assujettissement forcé en s’appuyant sur les règles de détermination de la législation applicable prévues par le règlement communautaire. La juridiction de cassation s’interroge cependant sur la qualité de travailleur salarié au sens européen lorsque la loi interne exclut expressément les non-résidents. La question posée est de savoir si le droit de l’Union interdit à un État membre d’exclure un marin de son régime social par une condition de résidence. La Cour affirme que la législation de l’État du pavillon s’impose impérativement sans que des critères géographiques nationaux ne puissent légalement faire obstacle à cette affiliation.

I. La primauté de la loi du pavillon malgré l’extranéité des activités

A. La reconnaissance d’un rattachement suffisant avec l’Union La juridiction européenne rappelle que l’exercice d’activités en dehors du territoire de l’Union ne suffit pas pour écarter les règles relatives à la libre circulation. Elle précise que « le rapport de travail garde un rattachement suffisamment étroit avec le territoire de l’Union » dès lors que l’employeur reste établi en Europe. L’enregistrement du navire dans un État membre constitue également un lien juridique prépondérant justifiant l’application uniforme des garanties sociales prévues par le législateur communautaire. Cette solution protège la continuité de la couverture sociale des travailleurs mobiles dont les missions s’exécutent durablement dans des zones maritimes internationales ou étrangères.

B. La définition large du navire assujetti au règlement Le juge rejette toute interprétation restrictive de la notion de navire qui viserait uniquement certaines catégories de bâtiments de mer pour l’application des cotisations. Il souligne qu’aucune condition relative au type de bâtiment n’est prévue par le texte pour déterminer la loi applicable aux marins salariés en mer. L’inscription sur le registre national et la détention d’un certificat d’immatriculation suffisent à caractériser le lien de rattachement exigé par le droit européen. L’application de la loi du pavillon aux activités extracommunautaires soulève alors la question de l’opposabilité des critères d’affiliation propres au droit interne des États membres.

II. L’inefficacité des clauses de résidence de la législation nationale

A. La force obligatoire de la désignation législative européenne Le règlement communautaire détermine seul l’État dont la législation est applicable pour éviter les cumuls ou les vides juridiques dommageables pour les travailleurs salariés. Le juge souligne que « la personne qui exerce son activité professionnelle à bord d’un navire battant pavillon d’un État membre est soumise à la législation de cet État ». Cette désignation impérative s’impose aux autorités nationales qui ne peuvent pas utiliser leur compétence législative pour modifier le champ d’application défini au niveau supérieur. L’autonomie des États membres dans l’organisation de leurs régimes de sécurité sociale doit s’exercer dans le respect strict des principes fondamentaux du droit européen.

B. L’inopposabilité du critère de résidence domestique Une mesure législative nationale ne peut valablement exclure de l’affiliation les personnes que le règlement communautaire désigne explicitement comme relevant de cette juridiction spécifique. Le juge estime que « cette disposition ne serait pas respectée si la condition de résidence imposée par la législation de l’État membre concerné était opposable » au salarié. L’admission au régime de protection sociale devient donc obligatoire pour l’État du pavillon dès lors que le lien d’emploi avec l’entreprise établie sur place est avéré. Cette décision neutralise les obstacles administratifs qui pénaliseraient les ressortissants européens ayant choisi de fixer leur domicile privé dans un autre pays de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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