Cour de justice de l’Union européenne, le 7 juin 2018, n°C-554/16

Un exploitant agricole sollicite le versement de primes pour des bovins au titre de l’année 2011 auprès des autorités nationales compétentes. L’administration rejette partiellement cette demande en invoquant une notification tardive du déplacement des animaux vers les pâturages de haute montagne. Par une décision du 6 décembre 2013, le ministre de l’Agriculture rejette le recours introduit contre le refus initial d’octroi des primes. Le Verwaltungsgerichtshof, saisi d’un recours en révision, décide de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice de l’Union européenne. L’éleveur soutient que la remise à la poste vaut respect du délai tandis que l’administration exige une réception effective par ses services. La question porte sur l’interprétation du délai de quinze jours fixé par la décision du 20 août 2001 relative aux mouvements d’animaux. La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 21 juillet 2016 (C-439/14), retient que la date d’envoi prime sur celle de réception. L’examen de cette décision commande d’analyser l’interprétation finaliste du texte (I) avant d’en apprécier la portée sur l’allègement des charges administratives (II).

I. Une interprétation finaliste du délai de notification des mouvements

A. L’insuffisance d’une analyse littérale face à la diversité linguistique

La Cour constate que la majorité des versions linguistiques emploient le terme de communication des informations requises pour l’octroi des aides. Cependant, la version portugaise suggère une notification sans préciser si l’expédition ou la réception constitue l’élément déterminant pour le calcul du délai. En présence de disparités entre les textes, la disposition « doit être interprétée en fonction du contexte et de la finalité de la réglementation ». Cette démarche méthodologique permet de dépasser les incertitudes textuelles pour assurer une application harmonisée du droit de l’Union sur les territoires.

B. La primauté de l’intention de simplification de l’auteur de l’acte

Le texte initial visait la protection de la santé publique par un enregistrement rigoureux des mouvements au sein de la base de données. Néanmoins, la modification intervenue en 2010 cherche expressément à « réduire les charges administratives inutiles » pesant sur les éleveurs de bovins. Une lecture imposant la réception effective par l’autorité dans les quinze jours irait à l’encontre de cet objectif manifeste d’assouplissement procédural. Le juge privilégie l’intention du législateur européen qui souhaite faciliter la gestion des troupeaux lors des transhumances vers les pâturages.

II. Un équilibre entre les impératifs de traçabilité et l’allègement administratif

A. La distinction opérée entre les types de déplacements animaux

La juridiction opère une distinction entre les mouvements vers l’abattoir et les déplacements saisonniers ne précédant pas directement la consommation humaine. S’agissant des pâturages d’été, le transfert ne modifie pas l’appartenance de l’animal à l’exploitation et ne menace pas la sécurité des consommateurs. Cette différence de nature justifie l’application de « règles spécifiques applicables aux mouvements de bovins destinés à pâturer durant l’été » en montagne. La traçabilité demeure assurée sans exiger une rigueur administrative excessive qui pénaliserait injustement les exploitants lors de la période de rétention.

B. L’éviction des formalités nationales excessives pour l’octroi des aides

La Cour conclut que le droit de l’Union « s’oppose à une disposition nationale » érigeant la réception comme date déterminante du délai. Cette solution protège les éleveurs contre les aléas postaux et les retards d’acheminement susceptibles de provoquer la perte de primes financières importantes. Elle consacre une approche pragmatique du droit rural en limitant les sanctions automatiques pour des retards de réception de quelques jours seulement. La décision renforce ainsi la sécurité juridique des agriculteurs tout en préservant l’efficacité globale du système d’identification et d’enregistrement des animaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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