Cour de justice de l’Union européenne, le 7 mars 2024, n°C-725/22

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 30 décembre 2025, précise le régime des ajustements du prix à l’exportation. La question porte sur l’interprétation du règlement de base relatif à la défense contre les importations faisant l’objet d’un dumping.

Des sociétés établies hors de l’Union exportaient des engrais azotés vers le marché unique par l’intermédiaire d’entités liées situées en Suisse et en Allemagne. La Commission a imposé des droits antidumping définitifs après avoir constaté l’existence d’un dumping causant un préjudice important à l’industrie européenne.

Les exportateurs ont introduit un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne contre le règlement d’exécution instituant ces droits de douane. Le Tribunal a rejeté l’ensemble des moyens soulevés par les requérantes dans son arrêt du 14 septembre 2022, confirmant la légalité des mesures. Les sociétés ont alors formé un pourvoi devant la Cour de justice afin de contester le raisonnement tenu par les premiers juges.

Le litige soulève la question de la déduction des frais engagés par des intermédiaires liés avant le passage physique de la frontière douanière. Il s’agit également de déterminer si la Commission peut ouvrir une enquête pour distorsion sur les matières premières sans preuves exhaustives dans la plainte.

La Cour rejette le pourvoi et confirme que les frais normalement supportés par un importateur peuvent être ajustés indépendamment du lieu de leur intervention. La solution repose sur l’analyse de la portée des ajustements du prix export puis sur les modalités d’ouverture des enquêtes antidumping.

**I. La conception extensive des ajustements relatifs au prix à l’exportation**

L’article 2 du règlement de base autorise la construction du prix à l’exportation lorsque les prix pratiqués entre parties liées ne sont pas fiables. La juridiction précise l’étendue des déductions autorisées pour établir un prix fiable au niveau de la frontière de l’Union européenne.

**A. La primauté de la fonction économique des frais sur leur localisation géographique**

La Cour valide l’ajustement des coûts intervenus avant l’importation physique dès lors qu’ils sont normalement à la charge d’un importateur indépendant. Le texte énonce que « l’ajustement ne saurait être limité au seul ajustement des coûts normalement supportés par les importateurs et intervenus entre le moment du passage de la frontière ».

Cette interprétation privilégie la réalité économique de la transaction sur une lecture strictement chronologique ou spatiale des dispositions réglementaires en vigueur. Les juges considèrent que les frais de vente et les dépenses administratives supportés par des entités liées participent directement à la revente finale. Une telle solution garantit la cohérence du prix construit en neutralisant l’influence des relations contractuelles internes au groupe sur la valeur d’exportation.

**B. La neutralisation des structures commerciales complexes au sein des groupes liés**

L’objectif des ajustements consiste à rétablir une comparaison équitable entre la valeur normale du produit et son prix de vente à l’exportation. La Cour souligne que l’effet utile de la réglementation serait compromis si les exportateurs pouvaient manipuler les prix via des intermédiaires établis hors Union.

Le juge affirme que « les producteurs-exportateurs pourraient avoir recours à plusieurs intermédiaires liés afin d’augmenter artificiellement les prix à l’exportation » sans ce pouvoir de correction. Cette approche permet de lutter contre le contournement des mesures de défense commerciale par une structuration artificielle des circuits de distribution internationaux. La valeur de la décision réside dans le renforcement de la capacité de la Commission à établir des marges de dumping représentatives.

**II. La validation de la procédure d’enquête et de l’appréciation des distorsions**

La seconde partie de l’arrêt traite des conditions de forme et de fond nécessaires au déclenchement d’une procédure d’enquête sur les distorsions. La Cour examine la validité des éléments de preuve requis ainsi que la comparabilité des situations géographiques invoquées par les parties requérantes.

**A. La souplesse probatoire lors de la phase d’ouverture de l’enquête antidumping**

La Commission n’est pas tenue de fonder sa décision d’ouverture d’enquête exclusivement sur les éléments de preuve apportés par le plaignant initial. La juridiction retient que l’ouverture intervient « au vu de l’ensemble des éléments de preuve disponibles, y compris ceux figurant dans la plainte ».

Cette souplesse permet à l’institution européenne d’exercer ses pouvoirs d’investigation dès qu’elle dispose d’informations suffisantes, quelle que soit leur source d’origine. L’obligation d’examen porte sur l’exactitude des preuves fournies mais n’interdit pas de compléter le dossier par des recherches administratives propres. Le droit à une bonne administration se trouve ainsi concilié avec l’efficacité nécessaire des procédures de défense commerciale de l’Union.

**B. L’interprétation stricte du catalogue des distorsions affectant les matières premières**

Le règlement de base dresse une liste exhaustive des mesures constitutives d’une distorsion sur les matières premières pour l’application du droit moindre. La Cour rejette l’assimilation d’un système de subventions étatiques à un mécanisme de double prix sans démonstration d’une distorsion tarifaire spécifique.

Le juge relève que « le subventionnement de matières premières ne constituait pas l’un des types de mesures figurant dans la liste exhaustive » du règlement. Le principe de non-discrimination ne peut être invoqué pour contraindre la Commission à traiter de manière identique des régimes économiques structurellement différents. La portée de la décision limite ainsi l’extension jurisprudentielle des catégories de distorsions au-delà de la volonté explicite du législateur européen.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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