Cour de justice de l’Union européenne, le 7 novembre 2013, n°C-587/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 3 septembre 2015, précise les conditions de remplacement d’un acte administratif annulé. Un État membre avait accordé des subventions sous forme de bonifications d’intérêt pour favoriser l’internationalisation d’une entreprise nationale sur des marchés étrangers. L’institution européenne a qualifié ces mesures d’aides d’État incompatibles avec le marché intérieur dans une décision adoptée en 2004. La juridiction de première instance a annulé cet acte initial au motif d’une insuffisance de motivation concernant l’incidence sur la concurrence. L’administration a adopté une nouvelle décision en 2009 confirmant l’incompatibilité des aides et ordonnant leur récupération par les autorités nationales. L’État membre a contesté cette seconde décision devant les juges du fond, lesquels ont rejeté l’ensemble des moyens invoqués par la requérante. Un pourvoi a été formé devant le juge de cassation pour obtenir l’annulation de cet arrêt confirmant la validité de la décision. Le litige porte sur l’obligation de rouvrir une procédure formelle d’examen après l’annulation d’une décision pour un vice de forme. La juridiction doit déterminer si la répétition d’arguments présentés en première instance permet de valider la recevabilité d’un moyen de pourvoi. Le juge rejette le pourvoi en confirmant que la procédure peut être reprise au stade précis où l’illégalité est intervenue. L’arrêt souligne la nécessité de présenter des arguments juridiques spécifiques critiquant précisément le raisonnement tenu par les juges du fond. Cette décision permet d’analyser la poursuite de la procédure administrative avant d’étudier la discipline procédurale imposée lors du pourvoi.

I. La continuité de la procédure administrative après l’annulation pour vice de forme

A. La validité de la reprise de la procédure au stade de l’illégalité

La Cour rappelle que l’annulation d’un acte n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires accomplis durant la phase d’instruction de la procédure administrative. « La procédure visant à remplacer un acte illégal qui a été annulé peut être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue ». Cette solution repose sur l’idée que le vice de forme n’entache pas la validité des investigations menées antérieurement par l’institution. Les juges considèrent que l’insuffisance de motivation ne remet pas en cause la qualité des éléments factuels recueillis lors de l’examen initial. L’administration peut donc procéder à une nouvelle analyse des actes d’instruction sans devoir recommencer l’intégralité du processus décisionnel prévu par les traités.

B. L’absence d’obligation de réouverture d’une enquête contradictoire

L’absence d’obligation de rouvrir une enquête formelle se justifie dès lors que les autorités nationales ont déjà pu présenter leurs observations utiles. La juridiction de première instance avait constaté que les éléments litigieux étaient connus lors de l’adoption de l’acte initial. Une nouvelle consultation ne s’impose pas si les circonstances factuelles nouvelles ne modifient pas substantiellement l’économie générale de la mesure d’aide. La Cour valide ainsi le refus de réorganiser un débat contradictoire sur des données universitaires publiées postérieurement à la première décision annulée. Cette approche favorise l’efficacité de la mise en œuvre des règles de concurrence tout en respectant les droits fondamentaux des parties.

II. La rigueur des conditions de recevabilité des moyens du pourvoi

A. L’irrecevabilité de la reproduction des arguments de première instance

Le pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques spécifiques. « Ne répond pas auxdites exigences un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire les moyens et les arguments présentés devant le Tribunal ». La simple réitération d’une argumentation de première instance constitue une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête initiale. La Cour de justice de l’Union européenne refuse d’exercer son contrôle si le requérant n’identifie pas l’erreur de droit commise. Cette rigueur assure la fonction de cassation de la juridiction supérieure en évitant la transformation du pourvoi en un troisième degré.

B. Le cantonnement du contrôle de la Cour aux seules questions de droit

La compétence du juge de cassation est strictement limitée aux questions de droit, excluant toute nouvelle appréciation des constatations factuelles effectuées antérieurement. « Le Tribunal est seul compétent pour constater les faits et pour apprécier ces faits », sauf en cas de dénaturation manifeste des preuves. Les juges de cassation refusent de contrôler la structure des marchés ou l’incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres. Le contrôle se limite à vérifier que le raisonnement juridique des juges du fond ne repose pas sur une erreur d’interprétation manifeste. Cette solution renforce l’autorité souveraine des premiers juges en matière de faits tout en garantissant l’unité de l’interprétation du droit.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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