La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt de sa première chambre du 7 novembre 2018, précise l’interprétation de la directive 97/81. Le litige concerne le calcul de la pension de retraite d’un magistrat ayant exercé ses fonctions à temps partiel durant vingt-sept années consécutives. Un intéressé, nommé en 1978, a pris sa retraite en 2005 tout en sollicitant une pension ajustée selon le principe du prorata temporis. L’autorité nationale a refusé d’intégrer les périodes d’activité antérieures au 7 avril 2000, date marquant l’expiration du délai de transposition de la directive. Le requérant a saisi les juridictions du travail, lesquelles ont finalement sollicité la Cour de justice pour une interprétation préjudicielle du droit de l’Union. Les parties s’opposent sur la nature de la pension, l’une y voyant une situation acquise et l’autre un effet futur d’une situation née antérieurement. La question posée est de savoir si la directive impose de comptabiliser l’ancienneté acquise avant sa transposition pour déterminer le montant final de la prestation. La Cour juge que les périodes d’ancienneté antérieures à la date limite de transposition doivent être prises en compte pour le calcul des droits. L’analyse portera sur l’application immédiate de la directive aux effets futurs avant d’étudier la portée de la protection accordée aux travailleurs.
I. L’affirmation de l’application immédiate de la directive aux effets futurs
A. La distinction entre rétroactivité et application immédiate
La juridiction européenne rappelle d’emblée les principes classiques régissant l’application des règles de fond dans le temps au sein de l’ordre juridique communautaire. Elle précise qu’une règle nouvelle « s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles ». Cette approche permet d’écarter le grief de rétroactivité tout en assurant l’efficacité du droit de l’Union pour les prestations liquidées après l’entrée en vigueur. La Cour souligne que la directive 97/81 ne comporte aucune disposition particulière dérogeant à ce principe général de sécurité juridique. Par conséquent, l’application de la norme aux pensions dues après la transposition ne constitue pas une atteinte aux situations définitivement acquises sous l’empire précédent. Cette solution garantit que les travailleurs bénéficient pleinement des garanties sociales dès que leur droit à prestation devient exigible auprès de l’organisme débiteur.
B. Le rejet de la théorie de l’acquisition progressive définitive
L’autorité nationale soutenait que la pension constituait une rémunération différée dont les droits s’épuiseraient au terme de chaque période d’ancienneté accomplie professionnellement. La Cour rejette cette argumentation en distinguant la phase de constitution des droits de celle de leur exercice effectif lors du départ à la retraite. Elle affirme que la circonstance qu’un droit soit acquis progressivement « ne permet pas de conclure que la situation juridique du travailleur doit être considérée comme étant définitivement acquise ». Ce n’est qu’au moment de la liquidation que le travailleur peut se prévaloir de son droit en vue du versement de sa pension. La détermination des droits est donc régie par les dispositions de la directive, même pour les périodes d’activité antérieures à son entrée en vigueur. Cette interprétation assure une cohérence globale du calcul de la prestation en fonction de la carrière totale de l’agent sans fragmentation temporelle arbitraire.
II. L’étendue de la protection contre les discriminations professionnelles
A. La valorisation de l’ancienneté comme élément de calcul global
L’arrêt souligne l’importance d’une prise en compte intégrale de la carrière pour assurer l’égalité de traitement entre les agents à temps plein et partiel. Le juge européen considère que l’ancienneté doit être appréhendée comme un bloc indivisible servant de base au calcul de la quotité de la pension. En exigeant l’intégration des années antérieures à 2000, la Cour évite une réduction injustifiée du niveau de vie des anciens travailleurs à temps partiel. La solution retenue impose aux États membres de ne pas établir de distinction fondée sur la nature de la rémunération perçue durant la carrière. Elle confirme que « les périodes d’ancienneté antérieures à la date limite pour sa transposition doivent être prises en compte pour la détermination du montant de la pension ». Cette règle fait obstacle à toute pratique nationale visant à minimiser les engagements financiers des régimes de retraite au détriment de l’équité sociale.
B. L’harmonisation des conditions d’emploi des travailleurs à temps partiel
La décision s’inscrit dans une volonté manifeste de renforcer le principe de non-discrimination au sein des systèmes de protection sociale des États membres. La Cour précise que les juges à temps partiel ne peuvent être traités moins favorablement que leurs collègues sans une justification objectivement démontrée. Cette protection s’étend aux régimes de pension professionnels qui constituent un élément essentiel des conditions d’emploi au sens de l’accord-cadre européen. L’interprétation fournie limite la marge de manœuvre des administrations nationales souhaitant restreindre l’impact financier de la directive par une lecture restrictive du temps. En rattachant le droit à pension au moment de son exigibilité, la jurisprudence assure une convergence des droits sociaux vers le haut. La portée de cet arrêt confirme la primauté de l’objectif de progrès social sur les considérations budgétaires liées à la gestion des carrières anciennes.