La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 7 novembre 2018, une décision fondamentale concernant l’application temporelle du principe de non-discrimination. Un magistrat ayant exercé ses fonctions à temps partiel entre 1978 et 2005 sollicitait le bénéfice d’une pension de retraite proportionnelle à son activité globale. L’autorité nationale compétente refusait cependant de comptabiliser les périodes d’ancienneté antérieures à l’expiration du délai de transposition de la directive communautaire pertinente. Le Tribunal du travail avait accueilli la demande initiale avant que sa décision ne soit infirmée en appel par les juridictions britanniques supérieures. La Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles avait confirmé que seules les années postérieures à l’an 2000 ouvraient droit à une prestation financière. La Cour suprême du Royaume-Uni a saisi le juge européen afin de déterminer si ces années de service devaient être prises en considération. La Cour juge que les périodes d’ancienneté antérieures à la transposition doivent être comptabilisées pour la détermination du montant de la pension de retraite. L’analyse de cette solution implique d’étudier l’application immédiate de la norme avant d’examiner les modalités de calcul des droits à la retraite.
I. L’application immédiate de la directive européenne aux effets futurs d’une situation juridique née sous l’empire de la loi ancienne
A. La distinction opérée entre la rétroactivité prohibée et l’application immédiate des nouvelles normes sociales
Le juge de l’Union européenne souligne que les règles de fond ne visent des situations acquises antérieurement que si leur finalité l’exige expressément. Il précise toutefois que la règle nouvelle « s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne ». Cette distinction permet de garantir l’effet utile de la directive 97/81 sans pour autant conférer à celle-ci une portée rétroactive illicite. L’application immédiate aux situations en cours constitue un principe classique visant à assurer l’unité de la législation sociale au sein de l’Union.
B. Le rejet argumenté de la théorie des droits qui seraient définitivement acquis lors de l’exercice du service
L’autorité nationale soutenait que le droit à pension s’acquérait progressivement et se trouvait définitivement fixé au terme de chaque période de service accomplie. La Cour rejette cette analyse en considérant que la situation juridique du travailleur ne peut être qualifiée de définitivement acquise à cette date. Elle affirme dès lors que « ce n’est qu’ultérieurement que ledit travailleur pourra se prévaloir effectivement de ce droit en vue du versement de sa pension ». L’acquisition progressive n’empêche pas la loi nouvelle de régir la liquidation finale d’une créance dont l’exigibilité est différée au jour du départ.
II. L’obligation impérative de comptabiliser l’intégralité de l’ancienneté pour la détermination du montant de la pension de retraite
A. L’intégration nécessaire des périodes de travail antérieures au délai de transposition de la norme européenne
L’arrêt impose de prendre en compte la totalité de la carrière pour calculer le montant de la retraite, évitant ainsi une discrimination temporelle injustifiée. Cette solution se distingue des jurisprudences antérieures où la Cour avait limité les effets dans le temps de ses propres interprétations juridiques. Le juge précise que la directive régit la détermination des droits, « y compris s’agissant des périodes d’ancienneté antérieures à la date d’entrée en vigueur ». Le montant de la pension doit refléter fidèlement la réalité du service effectué par le magistrat à temps partiel depuis sa nomination initiale.
B. La garantie d’une égalité de traitement réelle pour les travailleurs exerçant leurs fonctions à temps partiel
La portée de cette décision renforce la protection des travailleurs à temps partiel contre les exclusions fondées sur des critères chronologiques trop rigides. Les États membres ne peuvent restreindre le bénéfice de la non-discrimination aux seules périodes postérieures à la transposition pour des prestations liquidées après celle-ci. Le juge européen garantit ainsi que les effets d’une carrière entière sont appréhendés selon les standards protecteurs de l’accord-cadre sur le travail social. Cette interprétation assure une égalité de traitement effective entre les agents ayant exercé à temps plein et ceux ayant travaillé sous forme d’honoraires.