Cour de justice de l’Union européenne, le 7 septembre 2017, n°C-506/16

L’arrêt rendu par la sixième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne le 7 septembre 2017 traite de l’assurance de la responsabilité civile automobile.

La juridiction fut saisie d’un renvoi préjudiciel par la cour d’appel de Porto afin d’interpréter les deuxième et troisième directives relatives au rapprochement des législations nationales.

Le litige trouve son origine dans un accident de la circulation survenu le 3 décembre 2005, impliquant un véhicule dont le conducteur perdit soudainement le contrôle.

La passagère, épouse de l’intéressé, succomba à ses blessures, ce qui conduisit le survivant à solliciter la réparation de ses préjudices auprès de la compagnie d’assurances.

Le tribunal d’arrondissement de Paredes rejeta la demande d’indemnisation du préjudice matériel pour absence de preuves et celle du préjudice moral par simple application légale.

La cour d’appel de Porto confirma cette décision en soulignant la responsabilité exclusive du conducteur dans la réalisation du sinistre ayant coûté la vie à son conjoint.

Saisie d’un pourvoi, la Cour suprême du Portugal estima que le droit à réparation naissait dans la sphère juridique du demandeur, lequel ne pouvait s’indemniser lui-même.

Une action en responsabilité pour erreur judiciaire fut engagée, laquelle fut rejetée par le tribunal d’arrondissement de Porto Este, provoquant un recours devant la juridiction supérieure.

La cour d’appel de Porto interrogea alors la Cour de justice sur la compatibilité d’une telle exclusion nationale avec les exigences de protection du droit européen.

Les dispositions du droit de l’Union s’opposent-elles à une législation nationale excluant l’indemnisation du conducteur responsable du décès de son conjoint, alors passager du véhicule ?

La Cour juge que les directives ne font pas obstacle à une réglementation interne privant le conducteur fautif de réparation pour son propre préjudice matériel subi.

L’étude de cette décision permet d’analyser d’abord la délimitation de la compétence nationale avant d’aborder l’absence de protection du conducteur responsable pour son propre préjudice.

I. La délimitation de la compétence nationale en matière de responsabilité civile

A. L’autonomie maintenue des régimes nationaux de responsabilité

La Cour de justice rappelle que les directives « ne visent pas à harmoniser les régimes de responsabilité civile des États membres » au sein de l’Union européenne.

Les États « restent libres de déterminer le régime de responsabilité civile applicable aux sinistres résultant de la circulation des véhicules » selon les dispositions de leur droit.

Cette liberté permet aux autorités nationales de définir les conditions d’engagement de la responsabilité et les causes d’exonération totale ou partielle selon les principes juridiques locaux.

L’assureur n’est tenu de garantir que la responsabilité telle qu’elle est établie par le droit national, sans que l’Union n’impose de modèle de responsabilité civile uniforme.

B. Le respect nécessaire de l’effet utile du droit de l’Union

Les États membres doivent cependant exercer leurs compétences dans le respect du droit de l’Union afin de ne pas priver les directives de leur effet utile.

Une réglementation nationale ne saurait ainsi refuser le droit à l’indemnisation en se fondant sur des critères généraux et abstraits de contribution de la victime au dommage.

La protection des passagers constitue une priorité du législateur européen, imposant que tout occupant autre que le conducteur soit couvert par l’assurance obligatoire de la responsabilité.

L’effet utile impose donc que les victimes bénéficient d’un traitement comparable quel que soit le lieu de survenance de l’accident sur le territoire de l’Union européenne.

Le respect de l’effet utile ne saurait toutefois conduire à une protection absolue s’étendant au conducteur responsable de ses propres dommages matériels découlant d’une faute.

II. L’absence de protection européenne du conducteur responsable de son propre préjudice

A. La distinction entre couverture d’assurance et étendue de l’indemnisation

Le juge européen opère une distinction fondamentale entre l’obligation de couverture des dommages causés aux tiers et l’étendue effective de l’indemnisation de ces mêmes préjudices.

La Cour souligne que « l’obligation de couverture par l’assurance de la responsabilité civile […] est distincte de l’étendue de l’indemnisation » de ces préjudices par l’assureur.

L’obligation de couverture est garantie par l’Union tandis que l’indemnisation est régie par le droit national, sous réserve de ne pas vider de substance la garantie minimale.

Dans l’espèce commentée, le litige concerne le droit personnel du conducteur fautif et non le droit à indemnisation de la victime ayant la qualité de passager.

B. L’exclusion légitime du bénéfice de l’assurance au conducteur fautif

L’affaire porte sur le préjudice matériel subi par le conducteur en raison du décès de son épouse et non sur l’indemnisation directe de la passagère défunte.

La législation nationale peut valablement exclure le droit à indemnisation de celui qui, par sa propre faute, a porté atteinte à l’un de ses propres droits fondamentaux.

Cette règle n’affecte pas la garantie d’assurance des tiers puisque le demandeur est celui par qui le dommage est survenu par sa conduite imprudente ou fautive.

La Cour conclut que les directives ne s’opposent pas à ce qu’une loi interne prive le conducteur responsable de toute réparation pour les dommages découlant de sa faute.

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Hassan KOHEN
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