Par un arrêt rendu sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé les modalités de classement d’une marchandise dans la nomenclature combinée. En l’espèce, une société importatrice a procédé à de multiples importations de magnésie électrofondue, un produit utilisé pour la fabrication de matériaux résistant au feu. Ce produit est obtenu à partir de magnésite naturelle après un processus en deux étapes, d’abord une calcination à haute température, puis une fusion dans un four à arc électrique à très haute température. La société a déclaré cette marchandise sous la sous-position tarifaire 2519 90 90, laquelle est exempte de droits de douane. L’administration des douanes, suite à une enquête, a estimé que le produit relevait de la sous-position 2519 90 10, entraînant l’application de droits de douane. Elle a par conséquent émis un avis de redressement pour recouvrer les droits éludés sur plusieurs années.
La société importatrice a contesté cette décision devant les autorités douanières, puis a introduit un recours auprès du Finanzgericht Düsseldorf. Cette juridiction, confrontée à une difficulté d’interprétation du droit communautaire, a décidé de surseoir à statuer. Elle a saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle. Il était demandé si la magnésie électrofondue, obtenue par calcination de magnésite naturelle puis par fusion dans un four à arc électrique, devait être classée dans la sous-position 2519 90 10 de la nomenclature combinée. La Cour de justice a répondu par l’affirmative. Elle juge que la magnésie électrofondue relève bien de la sous-position 2519 90 10, en se fondant sur une application stricte des règles générales d’interprétation de la nomenclature.
La solution retenue par la Cour repose sur une méthode d’interprétation orthodoxe du droit douanier, privilégiant la nature intrinsèque du produit sur son procédé d’obtention. Cette approche conduit à une application rigoureuse des critères de classement (I), dont la portée dépasse le cas d’espèce en clarifiant la hiérarchie des éléments à prendre en compte pour la classification tarifaire (II).
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**I. La justification du classement par une application rigoureuse des règles générales**
La Cour de justice fonde sa décision sur une application méthodique des principes directeurs du classement tarifaire. Elle rappelle d’abord le critère fondamental des caractéristiques objectives de la marchandise (A), avant d’appliquer les règles de classement spécifiques pour résoudre le conflit de sous-positions (B).
**A. La primauté des caractéristiques et propriétés objectives de la marchandise**
La Cour énonce un principe constant de sa jurisprudence, selon lequel « le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la nomenclature combinée et des notes de sections ou de chapitres ». Ce faisant, elle écarte d’emblée les arguments liés au contexte historique du classement ou aux intentions supposées du législateur. La sécurité juridique et la facilité des contrôles douaniers imposent que le classement repose sur des éléments vérifiables inhérents au produit lui-même.
Dans cette affaire, la magnésie électrofondue est un produit dont la composition chimique est établie. La juridiction de renvoi a relevé que sa teneur en oxyde de magnésium variait de 95,94 % à 97,95 %. C’est cette composition qui constitue sa propriété objective essentielle. La Cour prend également en considération les notes explicatives de la nomenclature, tout en rappelant qu’elles n’ont pas de force obligatoire. Ces notes contribuent à l’interprétation mais ne peuvent modifier la portée des dispositions tarifaires.
**B. L’application des règles de classement en cas de positions concurrentes**
Face à l’hésitation entre deux sous-positions, la Cour applique les règles générales prévues à cet effet. La règle 3 a) dispose que « la position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d’une portée plus générale ». Or, la sous-position 2519 90 10 vise spécifiquement l’« Oxyde de magnésium autre que le carbonate de magnésium (magnésite) calciné ». La sous-position 2519 90 90, intitulée « autres », est par nature une catégorie résiduelle et donc plus générale. La Cour en déduit logiquement que la première description est plus spécifique au regard des propriétés objectives du produit.
La Cour renforce son raisonnement par la règle 3 b), qui concerne les produits mélangés ou composites. Selon cette règle, le classement s’effectue d’après la matière qui confère au produit son caractère essentiel. La magnésie électrofondue étant composée presque entièrement d’oxyde de magnésium, c’est cette matière qui lui donne son caractère essentiel. Dès lors, le classement dans la sous-position visant l’oxyde de magnésium s’impose, même si le produit contient des impuretés ou des parties frittées en faible quantité.
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**II. La portée de la décision : une clarification des critères d’interprétation**
Au-delà de la solution technique, l’arrêt précise l’interprétation de termes spécifiques de la nomenclature (A) et réaffirme l’indifférence du mode de production pour le classement d’un produit défini par sa nature (B).
**A. L’interprétation restrictive de la clause d’exclusion**
L’argument principal de la société importatrice reposait sur l’exclusion formulée dans la sous-position 2519 90 10 : « autre que le carbonate de magnésium (magnésite) calciné ». Elle soutenait que son produit, issu d’une calcination, devait être exclu. La Cour rejette cette lecture. Elle explique que cette exclusion ne vise que le produit intermédiaire obtenu à l’issue de la première étape de traitement. Le produit final, qui subit une seconde étape de fusion à très haute température, n’est plus simplement une magnésite calcinée.
La Cour souligne que la magnésie électrofondue « provient précisément des deux étapes de traitement thermique de la magnésite, à savoir la calcination et la fusion ». Cette distinction entre le produit intermédiaire et le produit final est déterminante. Elle confirme que les différentes étapes d’un processus de fabrication peuvent faire évoluer la nature d’un produit et donc son classement tarifaire. Le produit final possède des caractéristiques objectives qui le distinguent de ses composants ou de ses formes intermédiaires.
**B. L’indifférence du procédé de fabrication face à la nature du produit**
La Cour se prononce également sur la distinction, soulevée par la société requérante, entre un produit obtenu par traitement thermique et un produit synthétique. Elle constate que ni le libellé de la position 2519 ni celui de la sous-position 2519 90 10 n’opèrent de distinction hiérarchique fondée sur le mode de production, qu’il soit thermique, chimique ou synthétique. Le législateur a choisi de définir la sous-position par la nature chimique du produit, à savoir l’oxyde de magnésium.
En conséquence, le fait que la magnésie électrofondue soit obtenue par un processus thermique en deux étapes est sans incidence sur son classement, dès lors que le résultat est un produit qui correspond à la description de la sous-position 2519 90 10. La Cour conclut que « le législateur communautaire a entendu définir la sous-position 2519 90 10 selon des critères autres que le domaine de production ». Cet attendu a une portée générale importante : il confirme que, sauf mention expresse contraire, les caractéristiques objectives d’une marchandise l’emportent sur la méthode utilisée pour l’obtenir.