Cour de justice de l’Union européenne, le 8 décembre 2016, n°C-127/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt le 8 décembre 2016 concernant la protection des consommateurs en matière de crédit. Une société de recouvrement proposait à des débiteurs défaillants des accords de rééchelonnement prévoyant le paiement du capital, des intérêts et des frais. Une association de défense des consommateurs a sollicité l’interdiction de ces pratiques sans communication préalable des informations précontractuelles prévues par la législation. Le tribunal de commerce de Vienne a accueilli la demande le 14 novembre 2013, puis le tribunal régional supérieur de Vienne a statué le 30 juillet 2014. Saisie d’un pourvoi, la Cour suprême autrichienne a interrogé la juridiction européenne sur la qualification de l’agence et sur le caractère onéreux des accords. La Cour devait déterminer si une agence de recouvrement facturant des frais peut être soustraite aux obligations d’information précontractuelle envers le consommateur. Elle juge que de tels accords ne sont pas gratuits et que l’agence agit en qualité d’intermédiaire de crédit, même à titre accessoire. Cette décision impose d’examiner l’extension de la notion de crédit aux accords de rééchelonnement avant d’envisager le régime de protection du consommateur.

I. L’assimilation des accords de rééchelonnement onéreux aux contrats de crédit

A. La définition extensive du contrat de crédit onéreux La Cour définit le contrat de crédit de manière « particulièrement large » afin d’inclure toute facilité de paiement accordée à un consommateur contre rémunération. Un « contrat de crédit » au sens de l’article 3 sous c de la directive couvre ainsi un accord prévoyant le rééchelonnement de dettes existantes. La juridiction précise qu’un tel contrat n’est pas consenti « sans frais » dès lors que le débiteur s’engage à payer des charges additionnelles. L’imputation des versements sur les frais de l’agence avant le capital démontre l’existence d’une charge financière réelle pesant sur le consommateur. Cette analyse du contrat se complète par l’examen de la fonction exercée par l’entité qui propose ces nouvelles modalités de paiement.

B. La qualification d’intermédiaire de crédit de l’agence de recouvrement L’entité de recouvrement qui propose des contrats de crédit pour le compte du prêteur remplit les critères légaux définissant l’« intermédiaire de crédit ». L’exercice de cette activité commerciale contre une rémunération, même sous forme d’avantage économique, justifie cette qualification juridique au sens européen. La Cour souligne que la nature secondaire de cette mission par rapport au recouvrement principal n’altère pas la définition de l’intermédiaire. Cette solution permet d’englober tous les acteurs intervenant dans la distribution du crédit, garantissant ainsi la cohérence du marché intérieur européen. La reconnaissance de la qualité d’intermédiaire conditionne l’application des règles protectrices visant à garantir un consentement éclairé du consommateur défaillant.

II. L’application encadrée du régime de protection du consommateur

A. L’exclusion du régime d’exception des crédits sans frais Le caractère onéreux de l’accord de rééchelonnement interdit l’application de la dérogation relative aux délais de paiement consentis « sans frais » pour une dette. La directive prévoit « une harmonisation complète et impérative » pour assurer à tous les consommateurs un niveau élevé et équivalent de protection. L’existence de frais non prévus dans le contrat initial suffit en conséquence à écarter la qualification de crédit gratuit, sans égard pour le montant. Cette rigueur juridique prévient tout contournement des règles protectrices par l’insertion de frais de recouvrement au sein de nouveaux échéanciers de paiement.

B. L’allègement conditionnel des obligations d’information précontractuelle L’intermédiaire de crédit agissant à titre accessoire bénéficie d’une dispense concernant l’obligation de fournir lui-même les informations précontractuelles au futur débiteur. Cette exception vise les prestataires dont l’objectif principal de l’activité professionnelle n’est pas la présentation ou la conclusion de contrats de crédit. Le prêteur conserve néanmoins l’obligation de veiller à ce que le consommateur reçoive les renseignements nécessaires avant la signature de l’accord. La Cour préserve un équilibre entre la fluidité des opérations de recouvrement et l’exigence impérative d’une information claire sur les engagements financiers.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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