Cour de justice de l’Union européenne, le 8 février 2018, n°C-144/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 8 février 2018, une décision relative aux motifs d’exclusion lors d’un appel d’offres. Le litige concernait la participation de deux groupements d’assureurs appartenant à une même organisation au sein d’une procédure de passation de marché public. Un pouvoir adjudicateur avait lancé une consultation pour des services d’assurance couvrant la responsabilité civile pour les années 2016 à 2018. Deux entités membres d’une association d’assurance ont soumis des propositions, lesquelles étaient signées par le mandataire spécial du représentant général national. L’agence a décidé d’écarter ces candidats au motif que leurs offres émanaient objectivement d’un seul centre de décision coordonné. Le tribunal administratif régional de Calabre, saisi du litige par l’association d’assureurs, a annulé les décisions avant d’interroger la juridiction européenne. Le problème juridique consiste à savoir si les principes d’égalité et de transparence interdisent la participation de soumissionnaires liés formellement. La Cour juge que l’exclusion ne peut être automatique et exige la preuve d’une influence réelle sur le contenu des offres.

I. L’exclusion écartée au nom de l’accès aux marchés

A. La primauté du principe de proportionnalité

La Cour rappelle que les causes d’exclusion prévues par la directive 2004/18 tiennent essentiellement aux qualités professionnelles des opérateurs économiques sollicités. Les États membres conservent la faculté d’établir des règles garantissant l’égalité de traitement, à la condition expresse de respecter le principe de proportionnalité. Le juge souligne que « l’exclusion automatique de candidats qui se trouvent dans un rapport d’association avec d’autres concurrents va au-delà de ce qui est nécessaire ». Une telle mesure constituerait une présomption irréfragable d’interférence interdisant aux soumissionnaires de démontrer l’autonomie réelle de leurs propositions respectives. L’intérêt de l’Union commande d’assurer la participation la plus large possible afin de favoriser une concurrence effective entre les différents acteurs.

B. La prise en compte de la singularité organisationnelle

Le droit de l’Union autorise expressément une organisation d’assurance à agir par l’intermédiaire d’un représentant général unique au sein d’un État membre. La directive 2009/138 prévoit que cette structure plurielle impose une signature commune pour engager les souscripteurs intéressés vis-à-vis des tiers. La Cour précise que l’intervention de ce mandataire « ne démontre pas, en soi, que les syndicats se seraient, quant à eux, concertés ». L’existence de procédures internes garantit que chaque groupement opère en totale autonomie à travers ses propres organes de gestion décisionnels. La signature formelle des offres financières par une personne identique n’emporte donc pas nécessairement une connaissance mutuelle du contenu des propositions.

II. Le maintien d’un contrôle fondé sur l’influence concrète

A. L’exigence de preuves incontestables de collusion

Le pouvoir adjudicateur demeure compétent pour sanctionner les comportements collusoires s’il dispose d’éléments tangibles démontrant une concertation entre les candidats liés. Le juge européen affirme que l’exclusion est justifiée s’il apparaît, sur la base de constatations objectives, que les offres n’ont pas été formulées indépendamment. La réglementation nationale peut ainsi permettre l’éviction de soumissionnaires si le rapport existant a exercé une « influence concrète sur le contenu respectif des offres déposées ». Le contrôle doit porter sur la réalité de l’indépendance commerciale plutôt que sur la simple apparence résultant de liens structurels ou formels. Cette approche privilégie une analyse matérielle de la situation au détriment d’un formalisme administratif qui restreindrait indûment l’accès à la commande publique.

B. La préservation d’une concurrence loyale et effective

L’arrêt concilie l’objectif de transparence avec la nécessité de ne pas pénaliser des structures économiques complexes mais légalement reconnues par le droit européen. La décision impose aux autorités nationales d’examiner les faits afin de déterminer si une coordination occulte a effectivement faussé le processus d’attribution. Cette méthodologie préserve l’égalité de traitement en offrant aux candidats suspectés la possibilité de justifier l’autonomie de leur démarche commerciale. « Il incombe à la juridiction de renvoi de s’assurer que les offres en question ont été présentées de manière indépendante par chacun de ces syndicats ». La solution retenue renforce ainsi la sécurité juridique des opérateurs économiques tout en maintenant un haut niveau de vigilance contre les pratiques anticoncurrentielles.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture