Cour de justice de l’Union européenne, le 8 février 2024, n°C-172/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 3 mars 2022, un arrêt fondamental concernant l’obligation d’assistance due aux agents de la fonction publique. Un fonctionnaire européen estimait être victime de harcèlement moral et avait demandé à son administration de prendre des mesures de protection immédiates pour sa santé. L’autorité compétente a rejeté cette demande après avoir diligenté une enquête administrative interne dont les conclusions écartaient toute existence de comportements abusifs ou malveillants. L’intéressé a introduit un recours en annulation devant le Tribunal de l’Union européenne, lequel a rejeté ses prétentions par une décision rendue le 16 juin 2020. Un pourvoi a été formé contre ce jugement afin de critiquer l’appréciation des preuves réalisée par les premiers juges et la régularité de l’enquête. La question juridique centrale porte sur la validité d’une décision de refus d’assistance fondée exclusivement sur les résultats d’une instruction administrative menée par l’administration. La Cour confirme la légalité du rejet dès lors que les faits de harcèlement ne sont pas matériellement établis au terme d’une procédure régulière. Cette solution consacre la primauté de l’enquête administrative dans l’instruction des plaintes avant de préciser les modalités du contrôle juridictionnel sur le refus d’assistance.

I. La reconnaissance de la validité de l’enquête administrative préalable

A. La diligence requise dans l’établissement des faits L’administration doit agir avec une diligence particulière lorsqu’elle est saisie d’allégations dénonçant des faits graves de harcèlement moral au sein de ses services opérationnels. Cette obligation de protection impose de mener une instruction impartiale destinée à vérifier si les agissements décrits dépassent les limites acceptables des relations de travail. La Cour souligne qu’il incombe à l’autorité de « prendre les mesures appropriées pour établir la réalité des faits à l’origine de la plainte » formulée. Cette phase d’investigation constitue le support nécessaire de toute décision administrative ultérieure relative à l’octroi de la protection fonctionnelle prévue par le statut des fonctionnaires. Elle garantit que les mesures de sauvegarde ne seront accordées que sur la base d’éléments factuels vérifiés et non sur de simples ressentis personnels.

B. La force probante des conclusions de l’enquêteur Le juge européen valide le recours aux rapports d’enquête pour justifier l’absence de mesures d’assistance lorsque les griefs soulevés ne sont pas matériellement démontrés. Le rapport final doit offrir une analyse rigoureuse des témoignages recueillis sans que le juge ne puisse toutefois substituer sa propre appréciation à celle de l’expert. L’administration peut légalement écarter la demande si les investigations concluent à « l’absence de comportement constitutif d’un harcèlement moral au sens du statut » de la fonction publique. Cette approche renforce la sécurité juridique de l’institution qui s’appuie sur une procédure interne structurée pour rejeter les prétentions injustifiées de ses membres. Le demandeur ne peut prospérer dans sa contestation qu’en démontrant une erreur manifeste d’appréciation ou une partialité flagrante lors du déroulement de l’enquête. Cette validation de la phase d’instruction justifie ainsi le rejet définitif de la protection sollicitée par l’agent.

II. L’affirmation de l’autonomie de la décision de refus d’assistance

A. Le caractère conditionnel de l’octroi de la protection L’octroi de l’assistance est strictement subordonné à la preuve effective des faits de harcèlement, ce qui encadre l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative. Si la réalité des agissements dénoncés n’est pas confirmée par l’instruction, l’institution n’est nullement tenue de mettre en œuvre les dispositifs de secours statutaires. La jurisprudence rappelle ainsi que l’existence d’un harcèlement est une « condition de l’octroi de l’assistance au titre de l’article vingt-quatre du statut » général. Cette exigence préserve l’équilibre des services contre des requêtes abusives susceptibles de perturber l’organisation administrative et de porter atteinte à l’honneur des collègues. La décision de rejet devient alors l’aboutissement logique d’une procédure où la solidité de l’enquête administrative conditionne la légalité de l’acte final.

B. Les limites du contrôle exercé par la juridiction supérieure La Cour de justice restreint son contrôle aux seules erreurs de droit, laissant au Tribunal de l’Union européenne l’appréciation souveraine des faits et des témoignages. Le juge de cassation vérifie simplement que les premiers juges n’ont pas dénaturé les éléments de preuve versés au dossier durant la phase contentieuse. Il est explicitement précisé que le pourvoi doit être rejeté si les moyens invoqués ne parviennent pas à démontrer une méconnaissance des règles juridiques applicables. « Le pourvoi est rejeté » car l’administration a correctement agi en se conformant aux conclusions factuelles issues d’une instruction administrative menée dans le respect des formes. Cette solution pérennise la valeur des enquêtes internes tout en assurant une stabilité indispensable aux rapports hiérarchiques au sein des organismes de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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