Cour de justice de l’Union européenne, le 8 juillet 2025, n°C-453/19

    Le 20 janvier 2022, la quatrième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt relatif au régime des aides d’État. Ce litige opposait une société de transport aérien à l’organe exécutif de l’Union concernant le financement public d’un aéroport secondaire situé sur le territoire national. L’institution avait initialement estimé que diverses augmentations de capital ou subventions étaient compatibles avec le marché intérieur ou ne constituaient pas des aides. Un recours en annulation fut formé par une concurrente directe, mais le premier juge de l’Union européenne déclara cette requête irrecevable pour défaut de qualité. La société requérante forma alors un pourvoi afin de contester les critères d’appréciation retenus pour définir l’affectation individuelle de l’acte litigieux au dossier. La question juridique posée concernait l’étendue de la preuve nécessaire pour démontrer qu’une décision d’aide affecte substantiellement la position concurrentielle d’un tiers intéressé. L’examen de cette problématique nécessite d’analyser la rigueur de l’appréciation de l’intérêt à agir des concurrents avant d’étudier l’encadrement du contrôle des conditions de recevabilité.

I. Une appréciation rigoureuse de l’intérêt à agir des concurrents

A. La distinction entre garanties procédurales et examen au fond     La Cour rappelle la distinction nécessaire entre la sauvegarde des droits procéduraux et la remise en cause du bien-fondé d’une décision de l’institution. Pour les actes adoptés après une procédure formelle d’examen, le simple statut d’intéressé ne suffit pas à établir la recevabilité du recours introduit. La requérante doit démontrer qu’elle possède un statut particulier l’individualisant de manière analogue au destinataire de la décision contestée par son action judiciaire. La Cour souligne que « le seul fait qu’une entreprise ait joué un rôle actif dans le cadre de la procédure formelle d’examen ne suffit pas ». Cette solution préserve la spécificité des voies de recours tout en limitant l’accès au juge aux seuls opérateurs économiques réellement impactés.

B. L’exigence d’une atteinte substantielle à la position concurrentielle     L’affectation individuelle suppose que la position de l’entreprise sur le marché soit substantiellement touchée par la mesure d’aide faisant l’objet du présent litige. La jurisprudence exige que « le requérant apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position ». Il ne peut se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire ou d’une influence possible sur les échanges. L’analyse doit révéler une dégradation des performances commerciales ou un manque à gagner lié directement aux avantages financiers octroyés au tiers par l’État. Cette rigueur évite l’ouverture d’une action populaire contre les décisions prises par l’institution en matière de contrôle des aides d’État publiques.

II. Un encadrement strict du contrôle des conditions de recevabilité

A. L’assouplissement relatif des exigences liées à la définition du marché     La Cour censure le premier juge pour avoir imposé des exigences excessives concernant la définition précise du marché et de sa structure économique interne. Elle précise que la démonstration d’une atteinte substantielle n’implique pas de se prononcer définitivement sur les rapports de force entre les opérateurs présents. Le juge de première instance est ainsi allé « au-delà des exigences résultant de la jurisprudence » en réclamant des informations exhaustives sur la taille des marchés. Un constat prima facie de la probabilité d’une atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise concurrente doit normalement suffire pour admettre la recevabilité. Cette précision bienvenue allège légèrement la charge probatoire pesant sur les requérants potentiels sans pour autant dénaturer le critère fondamental de l’individualisation.

B. Le maintien d’un seuil de preuve élevé pour l’individualisation     L’irrecevabilité demeure acquise car la requérante n’a pas prouvé concrètement la réalité de son préjudice concurrentiel au regard des faits de la cause. Les arguments relatifs aux chevauchements de liaisons ou à l’augmentation du trafic du transporteur tiers n’ont pas été jugés suffisamment probants par le juge. La Cour confirme que « l’erreur de droit commise par le Tribunal […] n’est pas de nature à vicier la conclusion » finale sur la recevabilité. L’arrêt souligne l’importance d’une preuve précise des conséquences économiques de l’aide sur la situation particulière de chaque entreprise requérante au dossier. La portée de cette décision confirme la stabilité du droit européen face aux tentatives d’élargissement des conditions de saisine des juridictions de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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