Cour de justice de l’Union européenne, le 8 juin 2017, n°C-541/15

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 8 juin 2017, apporte des précisions essentielles sur l’exercice de la citoyenneté européenne. La juridiction de renvoi examine la validité d’un refus administratif de transcrire un nom patronymique légalement acquis par un ressortissant dans un autre État membre.

Un citoyen possédant la double nationalité allemande et roumaine a sollicité en Allemagne la reconnaissance de son nom de naissance, rétabli par les autorités de Roumanie. Le bureau de l’état civil a rejeté cette demande au motif que l’intéressé ne résidait pas habituellement en Roumanie lors du changement de son patronyme.

Saisi de ce litige, le tribunal de district de Wuppertal a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur l’interprétation des articles 18 et 21 du traité. La question préjudicielle porte sur l’obligation de reconnaître un nom acquis dans l’État membre de naissance sans condition de séjour habituel préalable dans ce pays.

Le problème juridique réside dans la compatibilité d’une exigence de résidence avec le droit fondamental de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union. L’identification d’une entrave à la libre circulation précède l’analyse des garanties procédurales nécessaires pour assurer l’effectivité des droits garantis par l’ordre juridique européen.

I. La caractérisation d’une entrave à la libre circulation des citoyens européens

A. L’inclusion du nom patronymique dans le champ d’application du droit de l’Union

Bien que les règles relatives à l’état civil relèvent de la compétence exclusive des États membres, ceux-ci doivent respecter le droit de l’Union dans cet exercice. Le litige présente un lien étroit avec l’ordre juridique européen puisque le requérant est un citoyen ayant exercé son droit fondamental de circuler librement.

La Cour rappelle qu’un « rattachement au droit de l’Union existe à l’égard de personnes ressortissantes d’un État membre et séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre ». La double nationalité renforce ici la dimension transfrontalière de la situation juridique soumise à l’appréciation souveraine des juges de Luxembourg.

B. Le risque de confusion identitaire né de la divergence des patronymes

Une réglementation nationale désavantageant les ressortissants ayant exercé leur liberté de circulation constitue une restriction prohibée par les dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union. Le refus de reconnaître un nom légalement attribué dans un État membre est susceptible d’entraver sérieusement l’exercice futur du droit de séjour.

L’existence de deux noms différents pour une même personne engendre des « confusions et des inconvénients » lors des démarches administratives ou de la preuve des liens familiaux. Ce risque concret oblige l’intéressé à dissiper des doutes sur son identité, ce qui nuit à la pleine effectivité de sa liberté de mouvement.

II. L’exigence de garanties procédurales assurant l’effectivité de la reconnaissance

A. La subsidiarité des modalités nationales de changement de nom

En l’absence de législation européenne harmonisée, chaque État membre définit librement les modalités destinées à assurer la sauvegarde des droits tirés de la citoyenneté de l’Union. Cette autonomie procédurale demeure toutefois strictement encadrée par les principes fondamentaux d’équivalence et d’effectivité qui s’imposent impérativement aux autorités publiques nationales.

Le droit interne peut prévoir plusieurs procédures distinctes pour permettre la modification du nom patronymique d’un ressortissant possédant une ou plusieurs nationalités de l’Union. Il importe peu de savoir quelle disposition spécifique est invoquée dès lors que le système juridique offre une voie de droit effectivement accessible et utile.

B. L’encadrement du pouvoir discrétionnaire par le principe d’effectivité

Le pouvoir d’appréciation des autorités administratives doit être exercé afin de garantir la pleine efficacité des droits fondamentaux liés à la libre circulation des personnes. L’élimination d’une divergence patronymique constitue un impératif juridique qui doit l’emporter sur les considérations de pure forme liées à la résidence habituelle du demandeur.

L’article 21 du traité s’oppose au rejet d’une demande de transcription fondée exclusivement sur l’absence de séjour habituel dans l’État membre de naissance de l’intéressé. Les dispositions nationales ne sauraient faire échec à la reconnaissance d’un nom légalement acquis lorsque le citoyen démontre un lien de nationalité avec l’État émetteur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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