Par un arrêt rendu le 8 juin 2017, la Cour de justice de l’Union européenne précise l’étendue des pouvoirs de l’organisme chargé des obtentions végétales. Le litige porte sur une demande de protection communautaire pour une variété de pomme déposée par une société de pépinières. Lors de l’examen technique, un office national identifie un caractère distinctif absent des protocoles initiaux relatifs à la largeur des stries des fruits. L’autorité compétente autorise alors l’usage de ce critère supplémentaire et accorde la protection après plusieurs années de procédure complexe.
Des tiers titulaires de droits antérieurs contestent cette décision devant la chambre de recours qui annule l’octroi du titre de protection. Le Tribunal de l’Union européenne, par son arrêt du 10 septembre 2015, confirme ce rejet en jugeant que l’ajout d’un caractère non prévu était illégal. La question posée à la juridiction suprême concerne la légalité d’un ajout de critère technique après l’examen et la portée du devoir de bonne administration. La Cour annule l’arrêt attaqué en reconnaissant le pouvoir discrétionnaire de l’administration tout en exigeant une vérification rigoureuse de la reproductibilité des caractères.
I. La consécration d’un pouvoir d’adaptation technique au service de la distinction variétale
A. La validité de l’adjonction de caractères nouveaux par l’administration
La Cour souligne que l’organisme communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation justifié par la complexité scientifique et technique des conditions d’examen des demandes. Le règlement d’application habilite explicitement le président de cet organisme « à ajouter de nouveaux caractères et leurs expressions pour une variété ». Cette prérogative permet d’intégrer des éléments techniques n’apparaissant pas dans le questionnaire initial ou les principes directeurs en vigueur. L’interprétation retenue privilégie ainsi l’efficacité de la protection sur le formalisme rigide des protocoles administratifs préexistants.
L’arrêt précise que cette faculté d’ajout peut s’exercer même après la clôture de l’examen technique mené par l’office national compétent. Cette solution garantit que la protection repose sur une réalité biologique constatée et non sur une liste limitative de critères préétablis.
B. La flexibilité procédurale imposée par la nature biologique de l’obtention
L’appréciation des caractères d’une variété végétale « emporte nécessairement un certain aléa » lié à la nature même de l’objet biologique examiné par les experts. La Cour estime que seule la flexibilité autorisant l’ajout de caractères nouveaux peut garantir l’objectivité réelle de la procédure d’octroi du droit. Une demande ne saurait être rejetée simplement parce qu’un caractère déterminant pour la distinction n’était pas mentionné au début des tests. Cette souplesse assure la prise en compte de la réalité technique constatée lors des essais de culture menés par les offices nationaux.
L’administration doit pouvoir réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation souverain. La sécurité juridique des tiers n’est pas affectée puisque leur droit d’opposition porte sur le respect effectif des critères de distinction.
II. La nécessaire conciliation entre rigueur technique et protection des droits
A. Le caractère impératif de la durée des cycles d’observation technique
L’examen technique doit impérativement respecter les règles encadrant sa réalisation, notamment la durée minimale des observations fixée par les protocoles techniques. En l’espèce, le nouveau caractère n’avait été observé que sur une seule année de végétation au lieu des deux cycles normalement requis. La Cour rappelle que le large pouvoir d’appréciation « ne saurait lui permettre de s’affranchir des règles techniques » sans contrevenir à son obligation de soin. Le respect de ces principes garantit la stabilité et l’homogénéité de la variété protégée avant toute délivrance d’un titre de propriété.
L’organisme ne peut donc valablement octroyer une protection si la preuve de la reproductibilité du caractère distinctif n’a pas été scientifiquement établie. Cette exigence de rigueur protège l’intégrité du système communautaire des obtentions végétales contre des décisions hâtives ou insuffisamment étayées.
B. L’obligation de régularisation issue du principe de bonne administration
La chambre de recours, constatant l’insuffisance de la durée de l’examen, aurait dû renvoyer l’affaire au service compétent pour régularisation. L’erreur ayant conduit à l’annulation des décisions n’était pas imputable au demandeur de la protection qui subissait les lenteurs de l’administration. La Cour affirme qu’un renvoi « aurait été mieux à même de garantir les droits du demandeur » en permettant de compléter les tests. Cette démarche permet de vérifier si le caractère litigieux satisfait réellement à l’exigence de reproductibilité technique sur deux cycles de culture.
Le juge communautaire sanctionne ainsi une approche trop radicale qui ne permettait pas de sauvegarder les intérêts légitimes de la société requérante. L’annulation de la décision administrative doit s’accompagner de mesures permettant de rétablir la légalité sans sacrifier le fond du droit.