Cour de justice de l’Union européenne, le 8 juin 2017, n°C-689/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 8 juin 2017, une décision fondamentale relative à l’interprétation du règlement sur la marque de l’Union européenne. Une association professionnelle avait déposé un signe figuratif représentant une fleur de coton en tant que marque individuelle pour distinguer des produits textiles de qualité. Elle accordait des licences d’usage à ses membres affiliés, tandis qu’une entreprise tierce utilisait un signe similaire pour ses propres serviettes de toilette depuis plusieurs décennies.

Le titulaire de la marque a engagé une action en contrefaçon devant le tribunal régional de Düsseldorf, lequel a fait face à une demande reconventionnelle en nullité. La société défenderesse soutenait que le signe était purement descriptif et qu’il n’avait pas fait l’objet d’un «usage sérieux» au sens de la législation. Par une décision du 15 décembre 2015, le tribunal régional supérieur de Düsseldorf a interrogé la Cour sur la validité d’une marque individuelle utilisée comme simple label de qualité.

Les juges ont conclu que l’apposition d’un label ne constitue un usage sérieux que s’il garantit simultanément la provenance des produits sous un contrôle unique et responsable. L’analyse de cette solution impose d’étudier la définition de l’usage sérieux avant d’envisager l’étanchéité des différents régimes juridiques applicables aux marques de l’Union européenne.

I. La définition restrictive de l’usage sérieux de la marque individuelle

A. La subordination de l’usage à la fonction d’indication d’origine

La Cour rappelle que l’usage d’une marque doit être conforme à sa fonction essentielle de garantie de l’identité d’origine des produits ou des services concernés. L’usage sérieux implique que le signe soit employé pour créer ou conserver un débouché commercial, excluant ainsi les utilisations purement symboliques visant le seul maintien des droits. L’arrêt précise que la marque doit constituer la garantie que les produits «ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique» responsable de leur qualité. Cette identification de la provenance commerciale constitue le critère décisif pour distinguer l’usage sérieux de la simple apposition d’un label informatif sur le produit fini.

B. L’insuffisance fonctionnelle du simple label de qualité

L’apposition d’un signe comme «label de qualité» ne saurait suffire si l’utilisateur ne perçoit pas une information relative à l’entité responsable de la fabrication finale. La Cour souligne qu’il n’y a pas d’usage sérieux si l’unique fonction du signe est de certifier la composition du produit sans garantir son origine propre. Il appartient au juge national de vérifier si l’usage de la marque «garantit, aussi et simultanément, aux consommateurs que ces produits proviennent d’une entreprise unique». La qualification de l’usage de la marque influence directement la validité du titre et interdit tout basculement vers des régimes juridiques initialement non revendiqués.

II. La préservation de la validité de la marque et de l’autonomie des régimes

A. Le rejet de la nullité pour défaut de contrôle qualitatif

Le litige portait également sur la nullité potentielle de la marque en raison d’une prétendue tromperie du public sur la qualité réelle des textiles mis en vente. Les juges estiment qu’une marque individuelle ne peut être déclarée nulle au motif que son titulaire ne garantit pas la conformité des attentes qualitatives du public. La validité s’apprécie au moment de l’enregistrement en vérifiant si le signe était «en lui-même de nature à tromper le consommateur» de manière effective ou grave. La gestion ultérieure des licences et l’absence de contrôles réguliers par le titulaire sont jugées dépourvues de toute pertinence pour prononcer la nullité du titre.

B. L’étanchéité impérative entre les catégories de titres

La décision rejette toute application par analogie des règles relatives aux marques collectives aux marques individuelles, soulignant la délimitation stricte prévue par le règlement européen. Le législateur a instauré des régimes distincts dont les conditions de dépôt et les règlements d’usage imposent une séparation hermétique entre ces différentes catégories de signes. Les dispositions concernant les marques collectives sont «expressément confinées» aux signes désignés comme tels lors du dépôt initial auprès de l’office de la propriété intellectuelle. Cette solution consacre l’autonomie des statuts juridiques et refuse de pallier les carences d’un titulaire par une extension indue des règles de certification.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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