Cour de justice de l’Union européenne, le 8 mai 2019, n°C-712/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 8 mai 2024, un arrêt précisant les conditions de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors d’opérations fictives. Le litige opposait une société à l’administration fiscale nationale suite à des ventes circulaires d’électricité ne causant aucune perte de recettes pour le budget public. L’administration avait refusé la déduction de la taxe tout en réclamant le paiement des montants facturés, assortissant cette mesure d’une amende égale à la déduction effectuée. Saisie d’un recours, la Cour d’appel de Milan a interrogé le juge européen sur la compatibilité de ces sanctions avec les principes de neutralité et de proportionnalité. Le problème juridique consiste à savoir si le droit de l’Union autorise le cumul d’un refus de déduction et d’une obligation de paiement pour une même opération fictive. La Cour affirme que la directive 2006/112 « ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui exclut la déduction » mais censure le caractère disproportionné de l’amende automatique.

I. L’exclusion du droit à déduction au profit de l’exigibilité de la taxe sur des opérations fictives

A. Le maintien de l’obligation d’acquittement de la taxe mentionnée sur facture

Le juge européen rappelle que la taxe est due par toute personne mentionnant ce montant sur une facture, même en l’absence d’opération réelle sous-jacente. Cette règle vise à éliminer tout risque de perte de recettes fiscales pouvant résulter du droit à déduction exercé indûment par le destinataire de la facture. La Cour souligne que la directive « ne s’oppose pas à une réglementation nationale » qui impose le paiement de la taxe tout en refusant le droit à déduction. Cette dualité de traitement se justifie par la nécessité de prévenir la fraude et de garantir le bon fonctionnement du système commun de taxe. L’émetteur de la facture devient ainsi redevable de la somme inscrite du seul fait de sa mention formelle sur le document commercial produit.

B. La subordination de la régularisation à l’élimination du risque de perte fiscale

Le principe de neutralité fiscale exige que le droit national permette de rectifier une dette fiscale indue lorsque le risque de perte est totalement écarté. La Cour précise que cette rectification est possible même si l’émetteur de la facture « n’était pas de bonne foi », dès lors qu’il a agi en temps utile. Cette solution permet de concilier la lutte contre les pratiques abusives avec l’absence de préjudice financier effectif pour les caisses de l’administration nationale. Il appartient dès lors au juge de renvoi de vérifier si le risque de perte de recettes a été complètement éliminé par les opérateurs concernés. La faculté de correction constitue une garantie essentielle contre l’enrichissement sans cause de la collectivité publique au détriment d’un assujetti ayant régularisé sa situation.

II. L’encadrement de la répression fiscale par les principes de neutralité et de proportionnalité

A. L’invalidation d’une amende automatique équivalente au montant de la déduction

Le second apport majeur de la décision concerne la validité des sanctions pécuniaires infligées en cas de déduction jugée illégale en raison de la fictivité. La Cour de justice déclare que les principes européens « s’opposent à une règle du droit national » punissant la déduction illégale d’une amende égale au montant déduit. Une telle sanction revêt un caractère automatique qui ne tient pas compte de l’absence réelle de préjudice fiscal dans le cadre de ventes circulaires. Le juge européen considère que l’application mécanique d’une amende de cent pour cent outrepasse ce qui est nécessaire pour assurer la perception exacte de la taxe. Cette sévérité excessive méconnaît le principe de proportionnalité, lequel impose une adéquation entre la gravité de l’infraction et l’importance de la peine prononcée.

B. La nécessaire modulation des sanctions en l’absence de préjudice fiscal

L’arrêt impose une interprétation stricte des principes de neutralité et de proportionnalité afin d’éviter des sanctions manifestement disproportionnées au regard des faits reprochés. Dans une configuration où les opérations sont neutralisées par leur caractère circulaire, l’absence de dommage financier pour le trésor public doit influencer le régime répressif. Le droit de l’Union fait obstacle à une punition qui ignorerait la réalité économique des transactions et l’absence d’intention frauduleuse ayant abouti à un gain fiscal. La Cour invite les juridictions nationales à privilégier des mesures moins contraignantes mais tout aussi efficaces pour décourager les comportements contraires à la législation européenne. Cette décision renforce la protection des assujettis contre des pratiques administratives qui transformeraient des amendes fiscales en véritables confiscations sans fondement économique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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