La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision de sa neuvième chambre, apporte des précisions majeures concernant le classement tarifaire des compléments alimentaires liquides. Un distributeur a commercialisé une préparation contenant du fer, des vitamines et des extraits végétaux, conditionnée en flacons de deux cents millilitres pour une consommation quotidienne.
L’autorité douanière compétente, saisie d’une demande de renseignement tarifaire contraignant en mars deux mille vingt-trois, a classé cette marchandise dans la position 2202 de la nomenclature combinée. Elle a considéré que ce produit constituait une boisson tonique destinée à être consommée à l’état pur, rejetant ainsi la qualification de préparation alimentaire diverse.
Le distributeur a contesté cette décision devant la Cour d’appel de Bucarest, soutenant que la nature de complément alimentaire imposait un classement sous la position résiduelle 2106. La juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer par un arrêt du mois de septembre deux mille vingt-trois afin d’interroger la Cour de justice.
Le litige repose sur le point de savoir si une préparation liquide, bien que consommée en doses réduites, relève des boissons non alcooliques ou des préparations alimentaires. La Cour répond que cette marchandise doit être classée sous la position 2202 en raison de sa forme liquide permettant une consommation humaine directe et immédiate.
L’analyse de cette solution impose d’étudier l’affirmation du critère de la forme liquide pour le classement tarifaire avant d’envisager la primauté des propriétés objectives sur la qualification commerciale.
I. L’affirmation du critère de la forme liquide pour le classement tarifaire
La juridiction luxembourgeoise fonde son raisonnement sur une conception extensive de la notion de boisson, laquelle englobe toute préparation liquide propre à la consommation humaine directe. Cette approche privilégie l’état physique du produit sur les modalités concrètes de son absorption ou les finalités thérapeutiques poursuivies par le consommateur final.
A. L’assimilation des préparations liquides aux boissons non alcooliques
La Cour rappelle que le terme de boisson désigne tout liquide propre à la consommation humaine, sans égard pour la quantité absorbée ou les matières premières. Elle souligne que « ce terme doit être compris comme une notion générique, désignant tous les liquides destinés à la consommation humaine » dès lors qu’ils sont propres à l’usage.
Cette interprétation inclut explicitement les préparations toniques susceptibles d’être consommées directement, même si elles ne sont absorbées qu’en très petites quantités par le biais de cuillerées. L’état liquide constitue ici la caractéristique essentielle qui détermine l’affectation de la marchandise à la catégorie des boissons plutôt qu’à celle des préparations alimentaires solides.
B. L’indifférence de la destination physiologique du produit
Le classement tarifaire ne saurait dépendre de facteurs subjectifs tels que la volonté de maintenir l’organisme en bonne santé ou d’étancher une soif particulière. La Cour affirme que « leur classement ne saurait dépendre de facteurs purement subjectifs et variables, comme la manière de consommer ces boissons ou le but de leur absorption ».
Dès lors, la fonction de complément alimentaire, bien que reconnue par d’autres réglementations européennes, ne modifie pas les propriétés objectives intrinsèques de la marchandise pour les douanes. La destination physiologique du produit reste subordonnée à sa forme liquide, laquelle dicte impérativement son rattachement à la position tarifaire des boissons non alcooliques.
II. La primauté des propriétés objectives sur la nature de complément alimentaire
La solution retenue consacre l’exclusion de la position résiduelle au profit d’une catégorie plus spécifique définie par les caractéristiques physiques et matérielles du produit importé. Cette hiérarchie des normes tarifaires garantit la sécurité juridique des échanges commerciaux tout en limitant l’influence des dénominations marketing sur les droits de douane.
A. La subordination de la position résiduelle à la spécificité de la forme
La position 2106 de la nomenclature combinée revêt un caractère résiduel car elle concerne uniquement les préparations alimentaires qui ne sont pas dénommées ou comprises ailleurs. Puisque la préparation litigieuse présente les caractéristiques d’une boisson, elle relève nécessairement de la position 2202, ce qui exclut d’emblée toute application de la catégorie générale.
La Cour précise que la forme liquide est une « caractéristique objective les excluant du classement dans la position 2106 », car cette dernière vise prioritairement les gélules ou comprimés. Le juge privilégie donc une lecture stricte des chapitres de la nomenclature afin d’assurer une application uniforme du tarif douanier commun sur le territoire européen.
B. Une solution garantissant la cohérence de la jurisprudence européenne
En confirmant sa jurisprudence antérieure, la Cour écarte les avis de classement contradictoires issus d’organisations internationales pour maintenir la stabilité de ses propres critères d’interprétation. Elle refuse que la qualification de complément alimentaire issue de la directive 2002/46 puisse influencer le classement tarifaire en raison des objectifs divergents de ces textes.
Cette décision renforce la prévisibilité pour les opérateurs en liant le classement à un examen visuel et technique simple plutôt qu’à des allégations de santé. Elle confirme que la forme liquide demeure le critère de distinction suprême entre les boissons et les autres types de préparations alimentaires au sein du marché intérieur.