Cour de justice de l’Union européenne, le 8 mai 2025, n°C-615/23

Par un arrêt du 8 mai 2025, la Cour de justice de l’Union européenne précise le régime fiscal des compensations versées pour les transports publics collectifs. Une entreprise de transport de voyageurs prévoit de fournir des prestations dont les tarifs sont fixés par une autorité organisatrice de transport collectif. Cette autorité locale s’engage à verser une somme forfaitaire destinée à couvrir les pertes financières résultant de l’insuffisance des recettes de billetterie perçues par l’exploitant. L’administration fiscale nationale considère que ce versement doit être intégré à la base d’imposition de l’opérateur au titre de la taxe sur la valeur ajoutée. Le tribunal administratif de voïvodie de Gdańsk annule le 26 novembre 2019 le rescrit fiscal défavorable, provoquant un pourvoi en cassation de l’administration fiscale. La Cour suprême administrative de Pologne sursoit à statuer le 16 juin 2023 et interroge le juge européen sur l’interprétation de la directive européenne. La question préjudicielle porte sur l’inclusion d’une compensation de pertes d’exploitation dans la base d’imposition définie par l’article 73 de la directive relative à la taxe. La Cour de justice juge que cette aide financière ne constitue pas une contrepartie imposable car elle manque de lien direct avec les prestations fournies. L’étude de cette solution permet d’analyser l’absence de lien direct entre la compensation et le prix avant d’observer la distinction avec les rémunérations forfaitaires.

I. L’absence de lien direct entre la compensation forfaitaire et le prix des services fournis

A. Le rejet de la qualification de subvention directement liée au prix

Selon l’article 73 de la directive, la base d’imposition comprend les « subventions directement liées au prix de ces opérations » versées par un tiers. Pour être imposable, la subvention doit être « spécifiquement versée à l’opérateur subventionné afin qu’il fournisse un bien ou effectue un service déterminé » aux usagers. Il convient également de vérifier que le prix payé par le preneur diminue à proportion de l’aide accordée au prestataire par l’autorité de régulation. En l’espèce, la compensation n’a pas d’incidence directe sur le tarif des titres de transport qui reste fixé de manière indépendante par l’organisateur public.

B. Le caractère indemnitaire d’un financement destiné à couvrir des pertes d’exploitation

La compensation versée par la collectivité locale vise prioritairement à combler le déficit d’exploitation et ne finance pas une prestation de transport bien précise. La Cour relève que ce versement « est accordé a posteriori » et demeure totalement « indépendante de l’utilisation concrète des services de transport » par le public. Le montant de l’aide dépend du nombre de kilomètres parcourus par les véhicules plutôt que de l’identité ou du nombre réel des passagers transportés. Une influence indirecte sur le niveau général des prix ne suffit pas à caractériser une subvention taxable au sens de la réglementation de l’Union.

II. Une distinction nécessaire avec les prestations de services rémunérées par forfait

A. L’écart marqué avec la jurisprudence relative aux forfaits de soins médicaux

La juridiction européenne écarte l’analogie avec la solution rendue précédemment dans l’affaire concernant les forfaits de soins versés aux établissements pour personnes âgées dépendantes. Dans ce précédent, le financement était calculé selon le nombre de résidents et leur niveau de dépendance, créant un lien direct avec les soins effectués. À l’inverse, les services de transport public bénéficient ici à « l’ensemble des passagers potentiels » sans possibilité d’identifier précisément chaque bénéficiaire de l’opération. Le caractère forfaitaire de la compensation ne permet pas d’établir un rapport entre le paiement et une prestation de transport individualisée ou ponctuelle.

B. La confirmation d’une approche rigoureuse des éléments constitutifs de la base d’imposition

La décision renforce la sécurité juridique des opérateurs de transport en protégeant les subventions d’équilibre contre une taxation qui alourdirait indûment les charges publiques. La Cour confirme que la base d’imposition doit refléter la valeur réelle de l’échange économique sans intégrer des transferts financiers à vocation purement budgétaire. Cette interprétation rigoureuse préserve la neutralité fiscale en évitant d’assimiler toute aide publique à une contrepartie de services rendus aux utilisateurs finaux du réseau. Le juge européen limite ainsi l’extension de la notion de prix imposable aux seules sommes qui entretiennent un rapport synallagmatique étroit avec la prestation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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