La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 8 mars 2017, précise le champ d’application personnel de la directive fiscale commune. Le litige opposait une administration fiscale nationale à des sociétés mères non-résidentes au sujet du prélèvement d’un précompte mobilier sur des dividendes distribués.
Une filiale établie dans un État membre a versé des dividendes à ses sociétés mères situées dans un autre État membre. Les bénéficiaires, organismes de placement collectif, bénéficiaient d’un taux d’imposition nul sous condition de distribution intégrale de leurs bénéfices. L’administration fiscale a refusé l’exonération de retenue à la source prévue par les dispositions impératives du droit de l’Union. Saisie en appel, la juridiction nationale a interrogé la Cour sur la compatibilité de cette pratique avec la directive et les libertés fondamentales.
La question centrale porte sur l’interprétation de la condition d’assujettissement à l’impôt sans possibilité d’option ni d’exonération pour bénéficier du régime de faveur. L’analyse de la portée de la condition d’assujettissement effectif précède l’étude de l’éviction des organismes de placement du régime fiscal commun.
I. Une interprétation stricte de la condition d’assujettissement
A. L’exigence d’un assujettissement effectif à l’impôt
La Cour analyse l’article 2 de la directive qui définit les sociétés éligibles au régime commun de neutralité fiscale. Elle souligne que cette disposition énonce un critère de qualification positif et un critère négatif excluant les entités exonérées. Selon les juges, cette rédaction « vise également à exclure les situations comportant l’éventualité que, malgré un assujettissement à cet impôt, la société ne soit pas effectivement redevable du paiement dudit impôt ». L’assujettissement formel ne suffit donc pas si la société n’est pas concrètement soumise à une charge fiscale réelle.
B. L’équivalence entre taux nul et exonération fiscale
L’arrêt assimile l’imposition à un taux nul à une absence réelle de soumission à l’impôt sur les sociétés. Les juges considèrent qu’ « inclure dans une réglementation nationale une disposition selon laquelle une catégorie déterminée de sociétés peut dans certaines conditions bénéficier d’une imposition à un taux nul revient à ne pas soumettre ces sociétés à cet impôt ». Cette assimilation pratique empêche les organismes concernés de prétendre à la qualité de société d’un État membre au sens du texte européen. L’impossibilité de se prévaloir de la directive conduit alors à examiner les objectifs de neutralité et les libertés de circulation.
II. L’éviction des organismes de placement collectif du régime commun
A. La préservation de l’objectif de neutralité fiscale
La décision s’appuie sur la finalité de la directive qui cherche à éviter la double imposition des bénéfices distribués. Lorsque la société mère bénéficie d’un taux zéro, « le risque de double imposition, dans le chef de cette société mère, des bénéfices qui lui ont été distribués par sa filiale est écarté ». Le mécanisme d’exemption de retenue à la source devient alors sans objet au regard des buts fondamentaux poursuivis par le législateur européen. L’absence de risque de double imposition justifie pleinement le maintien du pouvoir d’imposition de l’État de la filiale.
B. Les limites procédurales du contrôle des libertés de circulation
Interrogée subsidiairement sur la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux, la Cour prononce l’irrecevabilité de la demande. Elle relève qu’ « en l’absence de précisions relatives au cadre juridique national applicable aux distributions de dividendes aux sociétés établies » dans l’État de la filiale, elle ne peut statuer. Le manque d’informations sur le traitement des sociétés résidentes comparables interdit ainsi toute vérification d’une éventuelle discrimination ou restriction injustifiée. La Cour rappelle ici l’obligation pour les juges nationaux de définir précisément le cadre factuel et réglementaire du renvoi.