Par un arrêt du 11 décembre 2007, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé le régime juridique applicable à la diffusion d’informations relatives aux médicaments non agréés dans un État membre. En l’espèce, une société spécialisée dans le commerce de médicaments avait adressé à des pharmaciens des listes de prix concernant des produits pharmaceutiques non agréés sur le territoire national, mais légalement commercialisés dans d’autres États membres et susceptibles d’être importés en petites quantités pour répondre à des commandes individuelles. Une autre entreprise du même secteur a saisi les juridictions nationales afin d’obtenir la cessation de cet envoi, le considérant comme une forme de publicité illicite au regard de la législation nationale. Après une série de décisions contradictoires des juridictions du fond, le tribunal régional de Hambourg, saisi de l’affaire au principal, a décidé de surseoir à statuer et de poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice. Il s’agissait de déterminer si le droit communautaire, et en particulier les dispositions relatives à la publicité pour les médicaments, s’opposait à une réglementation nationale qui interdit la diffusion de listes de prix pour des médicaments non agréés dans l’État membre concerné mais pouvant y être légalement importés à titre dérogatoire. La question de droit posée à la Cour était donc de savoir si une interdiction générale de publicité pour des médicaments non autorisés pouvait légitimement s’étendre à de simples catalogues de prix, et si une telle mesure était compatible avec le principe de libre circulation des marchandises. La Cour a jugé qu’une telle interdiction devait être appréciée non pas au regard des règles de la directive sur la publicité, mais à la lumière des articles du traité relatifs à la libre circulation des marchandises. Elle a conclu que ces articles s’opposent à une interdiction nationale pour autant qu’elle s’applique à la diffusion, auprès des pharmaciens, de listes de médicaments qui ne contiennent que des informations factuelles telles que la dénomination, le prix ou le dosage.
La solution retenue par la Cour repose sur une analyse juridique qui écarte l’application du droit dérivé au profit du droit primaire pour évaluer la mesure nationale (I), avant de procéder à un contrôle de proportionnalité strict de l’entrave constatée à la libre circulation des marchandises (II).
I. Le contournement de la directive au profit du droit primaire
Pour répondre à la question posée, la Cour de justice a d’abord redéfini le cadre juridique pertinent. Elle a estimé que les dispositions de la directive 2001/83 relatives à la publicité n’étaient pas applicables en l’espèce (A), ce qui l’a conduite à recentrer son analyse sur les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises (B).
A. L’exclusion des règles sur la publicité pharmaceutique
Le litige semblait initialement porter sur l’interprétation de l’article 86, paragraphe 2, de la directive 2001/83, qui exclut du champ de la publicité les « catalogues de vente et les listes de prix pour autant que n’y figure aucune information sur le médicament ». Toutefois, la Cour a choisi une autre voie en examinant le statut des médicaments concernés. Ces derniers, non agréés en Allemagne, pouvaient être importés sur la base d’une disposition nationale permettant de répondre à des commandes individuelles. La Cour a considéré que cette dérogation nationale mettait en œuvre la faculté offerte par l’article 5, paragraphe 1, de la directive, qui permet à un État membre d’exclure de l’application de ladite directive les médicaments fournis « pour répondre à une commande loyale et non sollicitée ».
La conséquence de ce raisonnement est décisive. Si les médicaments en cause sont exclus du champ d’application de la directive, alors l’ensemble des dispositions de celle-ci, y compris le titre VIII relatif à la publicité, ne leur sont pas applicables. La Cour l’affirme sans équivoque : « il convient de considérer que les médicaments relevant de l’article 73, paragraphe 3, de l’AMG se trouvent exclus du champ d’application de la directive 2001/83. Partant, les dispositions du titre viii de cette directive, relatif à la publicité, ne leur sont pas applicables ». Cette requalification juridique permet à la Cour d’écarter le débat sur la définition de la publicité au sens du droit dérivé et de se tourner vers un examen plus fondamental.
B. Le recentrage du litige sur la libre circulation des marchandises
Une fois les règles spécifiques de la directive écartées, la législation nationale restrictive devait être confrontée aux principes fondamentaux du traité. La Cour a donc examiné la compatibilité de l’interdiction de publicité avec les articles 28 CE et 30 CE (devenus articles 34 et 36 TFUE), qui régissent la libre circulation des marchandises. Cette démarche est classique : en l’absence d’harmonisation complète ou lorsque des dispositions nationales sortent du champ d’une directive, c’est le droit primaire qui constitue la norme d’évaluation.
La Cour a qualifié sans difficulté l’interdiction nationale de mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative, au sens de l’article 28 CE. En effet, en privant les pharmaciens d’une source d’information sur la disponibilité et le prix de médicaments importables, une telle interdiction est « de nature à restreindre le volume des importations ». Le cœur de l’analyse s’est alors déplacé vers la question de la justification et de la proportionnalité de cette entrave, examinée au regard de l’article 30 CE.
II. L’appréciation de la proportionnalité de l’interdiction de publicité
L’examen de la justification de la mesure nationale a conduit la Cour à reconnaître la légitimité de l’objectif poursuivi (A), mais à sanctionner le caractère disproportionné du moyen employé pour l’atteindre (B).
A. La justification de l’interdiction par la protection de la santé publique
La Cour a admis que l’interdiction de la publicité pour les médicaments non agréés pouvait se justifier par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, conformément à l’article 30 CE. Elle a rappelé sa jurisprudence antérieure, notamment l’arrêt *Ortscheit* de 1994, dans lequel elle avait jugé qu’une telle interdiction était nécessaire pour préserver le caractère exceptionnel de l’importation de médicaments non agréés et ainsi garantir l’efficacité du système national d’autorisation de mise sur le marché.
Le raisonnement est que si la publicité pour de tels médicaments était autorisée, cela risquerait d’éluder systématiquement la procédure d’autorisation, qui constitue la pierre angulaire de la protection de la santé publique dans le secteur pharmaceutique. En ce sens, la Cour a réaffirmé que « l’interdiction de la publicité édictée à l’article 8 du hwg est donc nécessaire à l’efficacité du système de l’agrément national ». L’objectif de la législation allemande était donc légitime et l’interdiction, dans son principe, apte à le réaliser.
B. La censure de l’interdiction en raison de son caractère disproportionné
Toutefois, la Cour a estimé que l’application de cette interdiction à des listes de prix factuelles allait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de protection de la santé publique. Elle a opéré une distinction subtile entre une publicité incitative et la diffusion d’informations neutres. Des listes ne contenant que la dénomination commerciale, le dosage, le conditionnement et le prix, « en l’absence d’informations sur les effets thérapeutiques », ne sauraient être considérées comme incitant les pharmaciens à promouvoir activement ces médicaments auprès de leurs clients.
Le risque d’un accroissement significatif des importations, qui porterait atteinte au caractère exceptionnel du régime dérogatoire, a été jugé « peu plausible ». Par conséquent, interdire la diffusion de ces informations factuelles constitue une mesure disproportionnée. La Cour a conclu qu’une telle interdiction « va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de garantir que l’importation de médicaments non agréés reste exceptionnelle, afin de préserver l’effet utile de la procédure d’autorisation de mise sur le marché ». L’atteinte à la libre circulation des marchandises n’était donc pas justifiée, car une mesure moins restrictive, telle qu’une interdiction limitée aux seules communications promotionnelles, aurait suffi à protéger la santé publique.