La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 8 novembre 2012, une décision fondamentale relative au calcul du droit au congé annuel payé. Ce principe social, protégé par la Charte des droits fondamentaux, soulève ici la question de son application précise en période de sous-activité économique prolongée. Deux salariés licenciés pour des motifs économiques ont bénéficié d’un plan social prévoyant une extension contractuelle d’un an sans aucune obligation de prestation. Leurs rémunérations habituelles furent remplacées par une allocation de chômage technique versée par l’administration compétente pendant cette période de réduction intégrale du temps de travail. À la rupture définitive des liens contractuels, l’employeur a refusé de verser une indemnité compensatrice pour les congés non acquis durant cette année d’inactivité. Saisie à titre préjudiciel par l’Arbeitsgericht Passau, la Cour devait déterminer si le droit de l’Union autorisait une réduction proportionnelle des droits aux congés. Les juges ont considéré que les dispositions européennes ne s’opposent pas à une réduction du droit au congé annuel calculée selon la règle du prorata temporis. La solution repose d’abord sur une distinction nette avec le régime de l’incapacité de travail, avant de consacrer l’assimilation du salarié au travailleur partiel.
I. Une distinction fondamentale entre l’incapacité de travail et la suspension contractuelle
A. Le rejet de l’analogie avec le régime du congé de maladie
La Cour écarte l’application de sa jurisprudence antérieure relative aux salariés en arrêt maladie dont le droit au congé doit être maintenu de façon intégrale. Elle affirme ainsi que « la situation d’un travailleur en incapacité de travail en raison d’une maladie et celle d’un travailleur dont le temps de travail a été réduit sont fondamentalement différentes ». L’incapacité physique impose une protection particulière que la simple suspension économique des obligations réciproques ne saurait justifier pour le salarié dont le contrat survit. Cette différence de nature juridique interdit alors d’étendre la garantie d’acquisition automatique de congés sans prestation effective de travail aux cas de sous-activité économique.
B. La préservation de la finalité de repos attachée au congé
Le raisonnement souligne que le salarié dont le temps de travail est réduit à zéro dispose de temps pour « se reposer ou s’adonner à des activités de détente ». Contrairement au malade, le travailleur n’est pas soumis aux contraintes psychiques ou physiques empêchant normalement l’exercice effectif de son droit au repos annuel payé. La Cour estime donc que l’objectif de santé et de sécurité attaché aux congés demeure respecté malgré l’absence d’acquisition de nouveaux droits durant l’inactivité. L’absence de travail effectif justifie ici la réduction proportionnelle des droits sans porter une atteinte disproportionnée à la substance même du droit social européen.
II. La validation de l’application de la règle du prorata temporis
A. L’assimilation au statut juridique de travailleur à temps partiel
Les juges considèrent que les salariés concernés par une réduction totale d’activité doivent être qualifiés de « travailleurs temporairement à temps partiel » durant cette période spécifique. Cette qualification permet d’appliquer la règle du prorata temporis conformément aux principes régissant déjà l’emploi à temps partiel au sein des États de l’Union. La diminution du droit au congé annuel par rapport à un temps plein est « justifiée par des raisons objectives » liées directement à la durée réelle. Le droit au congé ne saurait donc croître de manière illimitée alors que le salarié est totalement dispensé de toute prestation envers son ancien employeur.
B. La protection de l’efficacité économique des plans sociaux
L’arrêt souligne qu’imposer le maintien intégral des congés payés pourrait entraîner « une réticence de l’employeur à convenir d’un tel plan social » au profit des salariés. La décision protège ainsi l’équilibre économique des mesures de reclassement en évitant d’alourdir excessivement les charges financières pesant sur les entreprises déjà en difficulté. La Cour préserve l’utilité sociale des accords collectifs tout en rappelant que cette règle du prorata ne saurait affecter les droits déjà acquis antérieurement. Cette approche pragmatique assure une cohérence nécessaire entre les impératifs de la gestion économique et le respect minimal des droits fondamentaux du travailleur.