La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 8 novembre 2012, s’est prononcée sur les conditions d’obtention d’un droit de séjour dérivé. Un ressortissant japonais a épousé une citoyenne allemande aux États-Unis avant de s’installer en Allemagne où est née leur fille mineure. Les époux vivent désormais séparément, la mère et l’enfant ayant fixé leur résidence habituelle en Autriche pour y exercer une activité professionnelle. Le père travaille en Allemagne sous couvert d’un titre de séjour national et exerce l’autorité parentale conjointe sur son enfant. Celui-ci a sollicité la délivrance d’une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union auprès de la Ville d’Ulm. Cette demande fut rejetée par l’autorité administrative, puis par le Verwaltungsgericht Sigmaringen, au motif que le requérant ne rejoignait pas sa famille. Saisi en appel, le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg demande si le droit de l’Union impose l’octroi d’un titre de séjour pour maintenir les relations personnelles. La Cour juge qu’un ressortissant d’un pays tiers ne peut prétendre à un droit dérivé sans lien de rattachement avec les dispositions européennes. L’analyse de cette solution exige d’envisager l’exclusion du bénéfice des droits prévus par le droit dérivé (I), avant d’apprécier la portée limitée des principes de citoyenneté (II).
I. L’exclusion du droit de séjour fondé sur les instruments du droit dérivé
A. Le défaut de réunion des conditions de la directive relative à la libre circulation
La directive 2004/38 s’applique aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille qui les accompagnent ou les rejoignent dans un autre État. Le requérant peut être qualifié de conjoint car le lien matrimonial n’a pas été dissous par une autorité compétente malgré la séparation de fait. Toutefois, l’intéressé ne saurait être qualifié de bénéficiaire car il n’accompagne pas et ne rejoint pas son épouse ou sa fille en Autriche. La Cour souligne que le droit de s’installer avec le citoyen « ne peut être invoqué que dans l’État membre d’accueil où réside ce citoyen ». Cette exigence répond à la finalité des droits dérivés qui visent à ne pas dissuader le citoyen d’exercer sa liberté de circulation. En l’absence de déplacement du demandeur vers l’État d’accueil, les conditions d’octroi de la carte de séjour de membre de la famille ne sont pas remplies. L’exclusion du droit au séjour au titre de la libre circulation invite alors à examiner la situation au regard du statut de résident.
B. L’impossibilité d’une application d’office de la directive sur les résidents de longue durée
La directive 2003/109 prévoit l’octroi d’un statut de résident de longue durée aux ressortissants séjournant légalement depuis cinq ans sur le territoire national. Le demandeur résidait de manière ininterrompue en Allemagne et disposait de ressources stables ainsi que d’une assurance maladie pour subvenir à ses besoins. La Cour observe néanmoins que l’intéressé a volontairement retiré sa demande visant à obtenir un permis de séjour de résident de longue durée. Or, l’acquisition de ce statut protecteur nécessite impérativement l’introduction d’une demande formelle auprès des autorités compétentes de l’État membre de résidence. La Cour conclut qu’un « titre de séjour ne peut pas lui être accordé sur la base des dispositions de cette directive » faute de procédure pendante. L’inapplicabilité du droit dérivé conduit ainsi à s’interroger sur l’existence d’un droit fondé directement sur le statut de citoyen de l’Union.
II. L’inefficience du droit de séjour fondé sur la citoyenneté et les droits fondamentaux
A. L’absence d’atteinte caractérisée à l’effet utile de la citoyenneté de l’Union
Les dispositions du traité relatives à la citoyenneté ne confèrent aucun droit autonome aux ressortissants de pays tiers en dehors de tout exercice de liberté. Un droit dérivé n’est reconnu que si le refus de séjour prive le citoyen de la jouissance effective de l’essentiel de ses droits fondamentaux. Dans cette espèce, le départ de la mère et de l’enfant vers l’Autriche n’a pas été entravé par la situation juridique du père. Celui-ci bénéficie d’un titre de séjour national lui permettant de maintenir des contacts réguliers et de visiter sa fille durant les vacances. La Cour estime qu’il ne saurait être soutenu que la décision « risque de priver la fille ou l’épouse de la jouissance effective de l’essentiel des droits ». La perspective purement hypothétique d’une entrave au droit de circulation ne constitue pas un lien suffisant pour justifier l’application du droit de l’Union. Cette absence de lien de rattachement au droit matériel limite par extension l’invocation des garanties procédurales de la protection européenne.
B. L’incompétence de l’Union pour contrôler la proportionnalité au regard de la Charte
Le juge national s’interrogeait sur la conformité du refus de séjour aux articles 7 et 24 de la Charte relatifs à la protection de la vie familiale. Les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union européenne au sens de l’article 51. La situation du requérant n’est pas régie par le droit dérivé dès lors qu’il ne remplit pas les conditions de la directive sur la circulation. En l’absence de demande au titre du statut de résident de longue durée, le litige ne présente aucun lien de rattachement avec les compétences européennes. La Cour précise que le refus de délivrer la carte de séjour « ne relève pas de la mise en œuvre du droit de l’Union ». Par conséquent, la conformité de cet acte aux droits fondamentaux ne peut être examinée par le juge de l’Union à l’aune de la Charte.