Cour de justice de l’Union européenne, le 8 octobre 2020, n°C-360/19

Par un arrêt du 8 octobre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions de recevabilité des plaintes devant les autorités de régulation. Le 27 mars 2015, une panne technique affecte un poste haute tension géré par un opérateur national. Cette défaillance interrompt l’approvisionnement d’une usine raccordée à un réseau de distribution régional, lui-même alimenté par le réseau national. Le client final saisit l’autorité de régulation pour dénoncer le non-respect des obligations de maintenance incombant au gestionnaire de transport. Par une décision du 30 avril 2018, l’autorité déclare cette plainte irrecevable faute de lien contractuel direct entre le client et l’opérateur. Saisie du recours, le College van Beroep voor het bedrijfsleven des Pays-Bas interroge la Cour de justice par une décision du 23 avril 2019. Le juge national demande si l’article 37 de la directive 2009/72 permet de rejeter une plainte fondée sur l’absence de raccordement direct. La Cour répond négativement en soulignant que la notion de partie lésée doit s’interpréter de manière large pour garantir la protection des consommateurs. L’analyse portera sur l’interprétation extensive de la notion de partie avant d’examiner le renforcement concomitant des missions du régulateur national.

I. La consécration d’une conception autonome et extensive de la partie lésée

A. Le rejet du critère fondé sur l’existence d’une relation contractuelle

La Cour de justice écarte toute interprétation restrictive de l’article 37 de la directive 2009/72 qui subordonnerait la plainte à un lien contractuel. Elle relève que le libellé de la disposition ne mentionne aucunement l’exigence d’une relation directe entre le plaignant et le gestionnaire mis en cause. La juridiction précise que « la notion de « partie ayant un grief à faire valoir » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle implique une relation directe ». L’absence de raccordement physique au réseau de transport ne constitue donc pas un obstacle à la recevabilité de l’action engagée par le client. Cette solution garantit que l’utilisateur final puisse contester les manquements d’un opérateur dont les infrastructures conditionnent pourtant la continuité de sa propre alimentation électrique. Le juge européen privilégie ainsi une approche matérielle du litige au détriment d’un formalisme juridique qui léserait les droits des usagers des réseaux.

B. La reconnaissance d’un intérêt procédural fondé sur la qualité de client final

L’interprétation retenue s’appuie sur une analyse comparative des différentes versions linguistiques du texte européen afin d’en dégager le sens le plus protecteur. La Cour observe que le terme de partie peut être compris dans un « sens procédural » visant toute personne ayant un intérêt à agir. Cette acception inclut nécessairement le client final dont l’activité est impactée par une panne majeure survenue sur le réseau de transport en amont. En employant le terme « toute », le législateur de l’Union exprime la volonté d’ouvrir largement l’accès aux mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges. La décision assure ainsi la cohérence du système en permettant à l’utilisateur de s’adresser au régulateur même en l’absence de lien de droit privé. L’ouverture de cette voie de recours renforce substantiellement l’effectivité des obligations de maintenance imposées aux gestionnaires des infrastructures essentielles du marché.

II. Le renforcement de l’efficacité des missions de régulation du marché

A. La préservation de l’effet utile du mécanisme de règlement des litiges

La solution jurisprudentielle vise à garantir que l’autorité de régulation puisse exercer pleinement ses missions de surveillance et de sanction des gestionnaires. La Cour souligne que limiter l’accès aux plaintes réduirait la capacité du régulateur à vérifier le respect des obligations de sécurité et de fiabilité. L’article 37 impose pourtant de surveiller le temps pris par les gestionnaires pour effectuer les réparations nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur. En recevant les plaintes des clients indirectement raccordés, l’autorité dispose d’une source d’information cruciale sur l’état réel des réseaux de transport nationaux. La juridiction affirme que « des moyens de règlement des litiges efficaces et accessibles à tous les consommateurs sont la garantie d’une meilleure protection ». Cette compétence permet au régulateur de prendre des décisions contraignantes pour corriger les défaillances structurelles susceptibles d’affecter l’ensemble de la chaîne de distribution.

B. La garantie d’une protection élevée du consommateur sur le réseau électrique

L’arrêt s’inscrit dans la volonté de mettre « les intérêts des consommateurs au cœur » de la réglementation européenne relative au marché intérieur de l’électricité. La protection des clients finals constitue un objectif transversal de la directive qui impose aux États membres de garantir des procédures rapides et efficaces. Le juge européen rappelle que tous les citoyens de l’Union doivent bénéficier de niveaux élevés de protection et de mécanismes de traitement des réclamations. Cette exigence interdit aux autorités nationales d’opposer des fins de non-recevoir purement techniques qui videraient de sa substance le droit au recours. La décision assure ainsi une application uniforme du droit de l’Union en empêchant des disparités nationales fondées sur les modes de raccordement électrique. Le client final bénéficie désormais d’une protection juridique renforcée contre les pannes systémiques affectant les réseaux à très haute tension dont il dépend.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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