Cour de justice de l’Union européenne, le 8 octobre 2020, n°C-476/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 8 octobre 2020, précise les conditions d’extinction de la dette douanière à l’importation. Ce litige concerne l’interprétation de la notion de marchandise utilisée contenue dans l’article 124 du règlement établissant le code des douanes de l’Union. Le 23 novembre 2017, une société importe des marchandises sous le régime du perfectionnement actif afin de procéder à des opérations de réparation. Les produits sont réexportés le 11 décembre 2017, mais le décompte d’apurement obligatoire n’est transmis aux autorités que le 6 mars 2018. L’administration des douanes constate la naissance d’une dette douanière en raison de l’inobservation du délai prescrit pour la présentation de ce document. Le tribunal administratif de Göteborg rejette le recours de l’importateur, estimant que la dette ne peut s’éteindre malgré la réexportation effective des biens. Saisie en appel, la Cour d’appel administrative de Göteborg interroge la juridiction européenne sur la définition exacte de la notion de marchandise utilisée. La question posée vise à déterminer si cette utilisation inclut les transformations autorisées ou seulement les usages excédant le cadre du régime. La Cour juge que l’utilisation visée exclut les opérations conformes à l’autorisation de perfectionnement actif accordée préalablement par les services douaniers nationaux. L’interprétation stricte de l’utilisation des marchandises importées précède nécessairement l’examen du régime d’extinction de la dette née d’un simple manquement procédural.

I. L’interprétation stricte de l’utilisation des marchandises importées

A. La distinction entre la mise en œuvre autorisée et l’utilisation abusive

L’article 124 du code des douanes prévoit que la dette s’éteint lorsqu’il est prouvé que les « marchandises n’ont pas été utilisées ou consommées ». La juridiction souligne que la notion d’utilisation doit être comprise comme visant seulement celle donnant lieu, par elle-même, à une dette douanière. Dans le régime du perfectionnement actif, les marchandises faisant uniquement l’objet d’opérations de transformation autorisées ne sont pas soumises aux droits. Retenir une définition large incluant les transformations licites rendrait l’extinction de la dette impossible, contredisant ainsi la finalité même de la disposition.

B. L’unification nécessaire des diverses versions linguistiques du droit de l’Union

Les magistrats relèvent des disparités entre les versions linguistiques du règlement, opposant le terme « utilisées » à celui de « mettre en œuvre ». Conformément à une jurisprudence constante, une version linguistique unique ne saurait servir de base exclusive à l’interprétation d’une norme européenne. La disposition doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément essentiel. Cette analyse contextuelle impose de limiter la portée de l’utilisation aux seuls comportements qui justifient l’imposition de droits à l’importation.

II. Le régime d’extinction de la dette née d’un manquement procédural

A. L’absence de manœuvre frauduleuse comme préalable indispensable à l’extinction

L’extinction de la créance suppose également que la preuve soit fournie, à la satisfaction des autorités, que les biens sont sortis du territoire. Le texte précise toutefois que « la dette douanière n’est pas éteinte à l’égard de la/des personne(s) qui a/ont commis une tentative de manœuvre ». La protection des intérêts financiers de l’Union interdit tout bénéfice de l’extinction au débiteur dont la mauvaise foi est établie. Cette condition de probité assure l’équilibre entre la facilitation du commerce légitime et la lutte nécessaire contre les pratiques frauduleuses.

B. L’indifférence du moment de l’utilisation sur la survie de l’obligation tarifaire

La Cour précise que le moment de l’utilisation des marchandises ne revêt aucune importance pour déterminer si les conditions légales sont remplies. Le texte ne contient aucune indication temporelle limitant l’appréciation de l’usage avant ou après la naissance de la dette constatée. L’impossibilité de constater une utilisation postérieure à la réexportation effective des biens confirme la pertinence de cette interprétation souple. La solution garantit que l’inobservation d’une obligation procédurale n’entraîne pas de conséquences disproportionnées pour l’importateur de bonne foi.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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